Interview

Une sourde inquiétude : à quoi ressemblaient les peurs de la Belle Epoque ?

« L'attentat d'Aniche, mort de l'assassin », Une du Petit Journal, supplément du dimanche, 1895 - source : RetroNews-BnF

Prospère et confiante, la société de la Belle Époque n'en était pas moins exempte d'inquiétudes. L'historien Arnaud-Dominique Houte explore les préoccupations des Français de cette période, perçue un peu vite comme une « parenthèse enchantée ».

RetroNews : Tout d'abord, quand le terme de Belle Époque est-il apparu ? Pourquoi avoir choisi de mettre en lumière les peurs de cette période « enchantée » ?

Arnaud-Dominique Houte : Comme l’a montré l'historien Dominique Kalifa dans son ouvrage La Véritable histoire de la Belle Époque, l’expression apparaît et se développe dans les années 1930, puis se popularise dans les années 1950-60, ce qui correspond au moment où les témoins de la Belle Époque se souviennent de leurs années de jeunesse, écrivent leurs mémoires, avec toute la reconstruction nostalgique qui l’accompagne.

Mon ouvrage n’a pas vocation à faire la contre-histoire de la Belle Époque, mais d'enrichir la palette de couleurs et d’ajouter à la part dorée de la Belle Époque des teintes plus sombres. Derrière ce projet, ma volonté était d'entrer en empathie avec les Françaises et les Français de cette époque ; or comprendre leurs peurs est un bon moyen de comprendre ce qui faisait l'identité de cette époque.

Fin XIXe, la crise du pain cher met par exemple en lumière l'ampleur des inégalités à l’œuvre...

La Belle Époque est une période d’amélioration du niveau de vie global avec, à partir de 1900, une forte croissance économique. Or à  partir du moment où l'on commence à entrevoir un mieux-vivre, d’autres mondes possibles, il devient de plus en plus insupportable de rester en marge du progrès économique ; de fait, toute une frange de la société prend conscience des injustices et des inégalités, qui sont à un niveau paroxystique.

Les attentats anarchistes de cette époque sont les révélateurs de cette société inégalitaire dans laquelle il y a des raisons de se révolter. Il faut avoir en tête qu’une frange non négligeable de la société éprouve une forme de sympathie pour les idées anarchistes, et certains comprennent le bien-fondé d'une lutte violente et même meurtrière.

Plus fo...

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