Interview

Les multiples figures du célibataire, du Moyen Âge au XXe siècle

« Le vieux célibataire », estampe d'Henry Monnier, 1828 - source : Gallica-BnF

Invisibilisé, le célibat est pourtant loin d’être un phénomène minoritaire de notre histoire. L'ouvrage Histoire de célibats (PUF, 2023) dresse dix portraits de célibataires, du Moyen Âge au XXe siècle, mettant en lumière l’existence d’une pluralité de modes de vie, choisis ou subis.

RetroNews : Depuis quand et pour quelles raisons le célibat est-il perçu comme un phénomène social problématique ?

Claire-Lise Gaillard et Juliette Eyméoud : Pour répondre à cette question, il faut revenir sur la définition du « célibat » et sur la façon dont cette définition a évolué au fil des périodes historiques. Le mot « célibat » n’est en réalité que très peu utilisé en dehors de la sphère religieuse (pour parler du célibat consacré des prêtres), du moins jusqu’au XVIIIe siècle. Une évolution se produit alors : les dictionnaires français offrent une entrée « célibataire » à partir des années 1760 et la définition du terme est globalement péjorative. Est célibataire un homme qui choisit volontairement de ne pas se marier, de ne pas produire d’enfants pour le royaume et de vivre dans une oisiveté coupable.

Le combat contre le célibat masculin s’inscrit, en France, dans une période d’inquiétude nataliste. On craint un dépeuplement et la perte de forces vives pour nourrir et protéger la nation. Les hommes se doivent d’assumer leurs responsabilités en devant maris et pères. Au XIXe siècle, la critique du célibat s’étend aux femmes, surtout à celles que l’on qualifie de « vieilles filles ». Acariâtres, jalouses, folles, les femmes célibataires sont alors la cible des railleries et de violentes critiques à l’encontre d’une indépendance qui inquiète et bouleverse le schéma patriarcal.

Aux périodes médiévales et modernes, plusieurs situations de célibat (dans le sens de non-mariage) coexistent. Aux côtés du célibat religieux, le célibat laïque prend plusieurs formes. Notre livre explore cette diversité : le concubinage, le veuvage, mais surtout le célibat dans son sens le plus strict (hors-couple, hors-mariage, hors-parentalité) sont présentés grâce à une galerie de portraits. Les parcours de ces individus montrent que le célibat n’avait rien d’une anomalie et n’était pas, alors, considéré comme un problème. Les sociétés médiévales et modernes, construites sur les modèles du lignage et de la famille élargie, pensaient cette diversité des composantes familiales comm...

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