Interview

Les anarchistes de la Belle Époque, des masculinités à part ?

Portrait de Théodule Meunier paru dans "La Presse", 24 juin 1894 - Source : RetroNews-BnF

Prônant l’émancipation de tous les carcans de l’État bourgeois, les mouvances anarchistes qui essaiment à la Belle Époque présentent-elles des masculinités et des rapports hommes-femmes différents de ceux de la société qu’elle combat ? Conversation avec Clara Schildknecht.

Clara Schildknecht est enseignante. Issu de son M2 soutenu à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Hardi, compagnons ! Masculinités et virilité anarchistes à la Belle Époque est paru aux éditions Libertalia en 2023.

Propos recueillis par Mathilde Castanié.

RetroNews : Un travail sur les masculinités concerne-t-il, selon vous, uniquement les hommes ? 

Clara Schildknecht : Non ! Si l'on travaille sur les masculinités on travaille sur le genre, et sur la domination d’un genre sur l’autre. Travailler sur les masculinités c’est travailler les masculinités dans leur rapport aux autres et au genre féminin. Sans verser dans des catégories essentialisantes, il faut ici mettre en lumière les dominations de genre.

Vous avez travaillé à la fois sur les masculinités et sur la virilité anarchistes à la Belle Époque. Pourquoi avoir ainsi dissocié la virilité des masculinités ? 

Dans le livre, j’ai utilisé la même dissociation que différentes chercheuses qui ont travaillé sur les masculinités, notamment Haude Rivoal. C’est important politiquement de les dissocier. Les masculinités sont différentes façons d’incarner un genre masculin, alors que la virilité serait un idéal un peu inatteignable. La virilité est le système de références qui crée une domination d’hommes sur les femmes et d’hommes sur d’autres hommes. C’est important de ne pas les confondre. Si on les confond, cela reviendrait à dire que la virilité serait juste une incarnation de la masculinité, tandis qu’il existe plusieurs masculinités comme différentes formes d’incarnation.

La virilité anarchiste serait-elle selon vous une virilité de classe ? 

C’est justement la question du premier chapitre. Est-ce qu’on arrive à trouver une virilité anarchiste qui serait autre que celle de la classe ou de l’âge ? Et la réponse n’est pas totalement tranchée. Une virilité de classe se rejoue, mais les anarchistes ne forment pas un parti avec une idéologie unique. C’est une nébuleuse de personnes, de pratiques, et de théories différentes. Il y a des anarchistes qui rejouent une virilité de classe, notamment les syndicalistes ouvriers, dans Le Père Peinard autour d’Émile Pouget.

Mais d’autres personnalités plus théoriciennes, plus intellectuelles, ne partagent pas la même virilité. Il existe aussi une virilité de personnes savantes. Et puis la virilité anarchiste est une virilité militan...

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