La chronique du 3 février 1939 d’Elsa Triolet, intitulée « Le manche après la cognée », est quant à elle tout entière consacrée à l’Espagne – Barcelone vient de tomber aux mains des franquistes – et aux notions de paix, de guerre et d’héroïsme. Sa conclusion dénonce :
« Je n'ai besoin de prendre exemple sur personne pour savoir que le peuple espagnol est un peuple héroïque, et ceci sans aucune confusion dans mon esprit.
Et ce que j’apprends surtout en écoutant les gens, c'est qu'en dehors de toute idée du bien et du mal ce qui les guide est un faux instinct de conservation, celui qui pousse un homme qui se noie à faire tout ce qu'il faut pour noyer son sauveur. »
La semaine suivante, Elsa Triolet s’inquiète du devenir de ces enfants espagnols réfugiés (« Je suis encore petit… », 10 février 1939) comme avant elle dans cette chronique Yvette Guilbert (« Pour les petits d’Espagne », 2 juillet 1937). Quant à Lise Deharme, le 3 avril 1939, elle signale au lecteur qui serait trop enclin à se replier sur son propre sort :
« Si vous aimez les enfants, si vous croyez à leur grâce, à leur mystère, à leur force, si vous aimez la danse qui naît du sol et du soleil, la danse qui exalte et console, allez voir danser les petits enfants espagnols au théâtre de la Porte-Saint-Martin. […]
Allez les voir, tous les petits enfants d'Espagne, ils vous feront oublier qu'ils souffrent. »
Les chroniques de Lise Deharme se caractérisent par leur optimisme, par, aussi, leur volonté de faire face. Le 18 avril 1938, dans un « Lâchez tout ! », elle avait proclamé, en une sorte de pied-de-nez au sort d’une Europe en proie au désastre :
« Eh bien ! non, non. Si l'écheveau de notre vie actuelle est embrouillé, on en verra tout de même la fin.
Si nous craignons pour nos vies, pour d'autres qui nous sont plus précieuses encore que les nôtres : si nous craignons, à juste titre, pour nos libertés, pour notre avenir, pour notre pays, à quoi sert de se lamenter, de renoncer à tout ce que nous tenons encore, à tant de petites joies, bien réelles, à portée de notre main ?
Soyons forts, courageux, joyeux, et l'avenir sera ce que nous le ferons. Tant que nous vivons, nous sommes éternels ; la vie est à nous, tâchons de nous en servir, vite et bien. »
Un hymne à la vie, et un appel, somme toute, à la résistance.
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Anne Mathieu est historienne, maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches à l’université de Lorraine (site de Nancy) et membre de l'Equipe Telem de l'Université Bordeaux Montaigne.