Bonne feuille

Vers le fútbol : la diffusion du football sud-américain au début du XXe

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L'équipe d'Uruguay à la Coupe du monde 1930 - source : WikiCommons

Fruit d’échanges entre les bourgeoisies commerçantes d’Amérique latine et les universités d’élite de Grande-Bretagne, la pratique du foot en Uruguay, Argentine ou au Brésil s’inscrivit également dans la formation d’un imaginaire, entre la rudesse du gaucho et la douceur du danseur de tango.

Fabien Archambault est historien, professeur d'histoire contemporaine et spécialiste de l'histoire des cultures sportives et politiques au XXᵉ siècle. Il vient de faire paraître aux éditions Flammarion Coups de sifflets, une histoire du monde en onze matchs, dans lequel il revisite l’histoire contemporaine à l’aune du football et des grandes rencontres internationales.

Nous publions un extrait de l’ouvrage, consacré à l’implantation du football en Amérique latine (et en Uruguay particulièrement), et à la création concomitante d’un imaginaire footballistique local, encore en vigueur cent ans plus tard.

Un séisme. Mercredi 30 juillet 1930, Montevideo, stade du Centenaire, il est presque 17 h 30 : Héctor Castro, l’attaquant de la Celeste, l’équipe nationale uruguayenne tout de bleu vêtue, vient, d’une tête décroisée, de sceller la victoire. Depuis une vingtaine de minutes, l’Argentine poussait pour égaliser à trois buts partout, mais elle doit rendre les armes à la dernière seconde de la finale de la première Coupe du monde de football.

Les quelque 10 000 Argentins présents en tribune – ils auraient dû être 30 000, mais le brouillard caractéristique de l’hiver austral dans le Rio de la Plata a bloqué la plupart des ferries en provenance de Buenos Aires – restent silencieux ; les 60 000 autres spectateurs sautent à l’unisson et font trembler l’armature en béton du gigantesque stade construit pour l’occasion.

Dans la loge d’honneur, le Français Jules Rimet, président depuis 1921 de la FIFA (la Fédération internationale de football association), est abasourdi. Il écrira plus tard « avoir rarement vu une tempête d’enthousiasme, d’émotion libérée comparable à celle qui s’éleva alors des gradins ».

Et ce n’était que le début : des centaines de milliers d’Uruguayens se déversèrent dans les rues pour célébrer toute la nuit, dans une atmosphère indescriptible, entre les sirènes des navires amarrés dans le port et les crépitements des feux d’artifice, le triomphe des meilleurs représentants de la nation. L’arbitre de la rencontre, le Belge John Langenus, dira pour sa part n’avoir jamais assisté à un tel spectacle :

« Le sport avait accompli un miracle : aucun habitant de cette ville ou de ce pays n’était indifférent à la victoire remportée sur un terrain de football. »

L’Uruguay avait en effet vu les choses en grand. À l’heure de commémorer le centenaire de son indépendance, cette peti...

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