Propager les idées de beauté, de santé et de force, et lutter contre les maladies, l'alcoolisme, la mauvaise hygiène et la mauvaise alimentation : telle est l'ambition de la revue La Culture Physique, qui paraît en France de 1904 à 1936.
Edmond Desbonnet, son cofondateur, est un hygiéniste bien plus qu'un culturiste : l'objectif est moins de "faire du muscle" que d'atteindre la vie saine. Avec, en filigrane, une dimension patriotique — s'occuper de soi pour être en mesure de se battre pour son pays.
Les héros qui s'affichent en une sont ainsi des hommes d'action et de responsabilité comme, en mars 1910, le préfet Louis Lépine, un "sportsman" à qui la revue consacre un long portrait après la crue de la Seine qui le mit en première ligne :
"On le vit sur tous les points du département qu'arrose la Seine, réconfortant par de bonnes paroles les sinistrés qu'il faisait secourir et hospitaliser, organisant les travaux de protection, encourageant les sauveteurs, commandant tout, visitant tous, et stupéfiant chacun par sa grande activité physique.
[...] « P'tit Louis », comme il est désigné familièrement au service de la Sûreté par tous les inspecteurs de ce service, allait créer un cours de jiu-jitsu, à leur usage, dès les premiers jours de l'apparition de cette lutte japonaise ; un gymnase avec poids et haltères leur fut attribué ainsi qu'aux agents, en même temps que des professeurs spéciaux ont été choisis pour leur enseigner les coups chers aux apaches, les moyens de les parer et de se rendre maîtres de ces forcenés."
Les athlètes sont mis à l'honneur, vantés pour leur entraînement acharné — photos avant/après à l'appui — et leur hygiène de vie stricte :
"Presque tous les hommes forts s'abstiennent de tabac. L'hygiène et l'entraînement ne peuvent donc que le proscrire d'une façon absolue, car il ne donne qu'un plaisir momentané, sans que l'économie en ressente quelque influence au point de vue de l'augmentation des forces."
Pas d'inquiétude, les hommes — et même les femmes — ordinaires trouvent dans La Culture Physique les conseils nécessaires pour améliorer leur force et en tirer des bénéfices au quotidien, par exemple "pour combattre les mauvaises digestions et la constipation" :
"Par la contraction des muscles grands droits de l'abdomen, les muscles lisses de l'estomac sont réveillés de leur torpeur et guéris de leur paresse. Les digestions deviennent faciles, les aliments lourds ne sont plus indigestes."
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Ecrit par
Marina Bellot est journaliste indépendante, diplômée de l'Ecole de journalisme de Sciences Po. Elle a co-fondé en 2009 Megalopolis, un magazine d'enquêtes et de reportages sur la métropole parisienne, qu'elle a dirigé pendant trois ans. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages pédagogiques à destination des adolescents et a co-écrit une biographie de Jean-François Bizot, L'Inclassable, parue chez Fayard en 2017.