Écho de presse

Le Luna Park, histoire du premier parc d’attractions parisien

le 30/11/2021 par Michèle Pedinielli
le 24/11/2021 par Michèle Pedinielli - modifié le 30/11/2021

En mai 1909 s’ouvre à Paris le Luna Park, véritable « ville enchantée » selon la promotion qui en est faite. Ce parc d’attractions extraordinaires s’accompagne d’une publicité jamais vue en France.

C’est une curiosité inédite qui ouvre le 29 mai 1909, à Paris porte Maillot : un parc d’attractions baptisé Luna Park, construit sur le modèle de celui de Coney Island près de New York. Cette « ville enchantée » promet de réelles surprises car, même avant son ouverture, ses inventeurs (Henry Iles et Gaston Akoun) utilisent de nouvelles manières d’en faire la réclame.

« Curieuse innovation, de nombreuses Claudines-sandwich ont promené sur leurs frêles épaules les panneaux-affiches du grand parc d'amusement de la Porte-Maillot, avec ses sensationnelles et uniques attractions. 

Lors de l’inauguration, la presse parisienne rivalise d’imagination pour exciter la curiosité de ses lecteurs. Pour L’Écho de Paris, il s’agit de la huitième merveille du monde.

« On apprenait jusqu'ici aux enfants les sept merveilles du monde ; il en est maintenant une huitième. La brillante inauguration de Luna Park, la ville enchantée élevée à la Porte Maillot par les célèbres managers H. Iles et G. Akoun, nous la prouvé hier soir. » 

Au Petit Journal, on en appelle à Prud’homme.

« M. Prud'homme disait à son fils : “Par le travail on arrive à tout.” L'inauguration du Luna-Park, la ville enchantée élevée à la porte Maillot, par les célèbres managers H. Iles et G. Akoun, nous l'a prouvé hier soir. Puisque Luna-Park est une ville enchantée, parlons des merveilles qui la décorent. »

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Quant au Soleil, il y voit presque de la magie, du moins celle des deux concepteurs.

« Vous vous rendrez compte aisément de ce que peut accomplir, sinon la baguette magique d’une fée, du moins l’intelligence de deux inventeurs comme MM. Henry Ils et Gaston Akoun. Ces magiciens, en effet, ont fait surgir de leur cerveau une véritable ville enchantée où demain, tout Paris viendra admirer les merveilles les plus extraordinaires dont puissent se griser les yeux. »

En fait, le premier tour de force de Iles et Akoun consiste en une communication parfaitement maîtrisée. En effet, si chaque article élogieux commence par une accroche propre à chaque journal, la suite est une parfaite reproduction du même texte (sûrement fourni par les organisateurs du Luna Park) pour décrire les attractions.

« C’est d'abord le Scenic-Railway, dans lequel on accomplit de ravissantes promenades à travers les montagnes. Puis la Water-Chute, qui est la plus grande merveille parmi les attractions de toutes natures qu'on montre dans le monde entier. Une promenade en gondole sur la Rivière mystérieuse est une vraie joie offerte aux tendres amoureux.

Et quelle agréable demi-heure on passera à la représentation de la Destruction de Johnstown. Vous citerai-je encore les Rapides, avec leur double voie de descente si accidentée ? La Roue infernale, surnommée le Tortilleur humain ? Quelle autre merveille que ce Palais des Folies que l'on visitera gratuitement et où se pressait hier toute l'élite de Paris, de Londres et de New-York.

À partir d'aujourd'hui, Luna-Park sera ouvert tous les jours, de 1 heure à minuit. Avis aux visiteurs. »

Rien n’est laissé au hasard dans la communication du Luna Park et le mois suivant, pour démontrer l’engouement des Parisiens pour ce parc d’attraction (selon Le Matin, il y passe « entre 9 heures et 11 h et demie du soir, 100 personnes par minute dans les tourniquets »), les chiffres de fréquentation sont diffusés. Le même texte est repris à la virgule près par de nombreux journaux enthousiastes.

« C’est une semaine de véritable hiver que nous venons de passer ; eh bien malgré le froid, malgré la pluie, les entrées de cette quatrième semaine, entrées dans le parc seulement, sans compter les entrées aux attractions, ont été de 134 086, dont 12 416 avec cartes d'abonnement.

C'est dire assez la vogue extraordinaire qu'obtient cette Ville Enchantée, dont le célèbre directeur américain, M. Gaston Akoun, a doté Paris. Pour la seule journée de dimanche, les entrées dans le parc seulement, Luna-Park a versé à l'Assistance publique de Neuilly la somme énorme de 2 634 fr. 15, chiffre certifié scrupuleusement exact par la mairie de Neuilly. »

Les promoteurs multiplient bientôt les idées afin d’attirer les visiteurs. Pour changer du quotidien déjà inédit du parc, chaque vendredi devient une soirée de gala, avec orchestre et feux d’artifice au prix de 5 francs (au lieu de 1 franc).

Et puis une nuit, voilà même qu’un étrange « croissant de lune » apparaît près de l’Arc de triomphe dans la nuit parisienne :

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L’engouement populaire pour le Luna Park est indéniable. Et la promotion ingénieuse des deux dirigeants n’est pas seule responsable. Si « les boulevards sont vides, les théâtres sont délaissés, et [que] dès neuf heures on voit une file d'automobiles qui se dirigent vers la Porte Maillot » selon Gil Blas, c’est bien qu’un goût nouveau est en train d’émerger et « le sujet sort désormais du domaine de la chronique théâtrale et rentre dans la grande chronique, celle de l'actualité ».

Effectivement, l’engouement des Parisiens et des touristes va durer longtemps. Le Luna Park sera ouvert jusque pendant la Seconde Guerre mondiale, période pendant laquelle la « fraternisation » avec l’occupant s’exerce au milieu des différentes attractions.

Cette fois-ci, il s’agira d’une bien mauvaise publicité pour le Luna Park, qui se verra contraint de fermer en 1948.