Interview

Les sportifs au front : athlètes et soldats pendant la Grande Guerre

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« Culture physique et sport dans la rééducation des blessés », La Vie au grand air, 1917 - source : RetroNews-BnF

Le 3 août 1914, deux jours après lordre de mobilisation générale en France, Henri Desgrange, directeur du journal L’Auto, signait l’édito du jour et le prénommait « Le grand match ». Comme tout soldat, lathlète est dès lors mobilisé – et doit combattre.

Camille Morata est professeur d’histoire-géographie au lycée. Il est l’auteur de la thèse « De la médaille à la mitraille : Commémorer les sportifs tombés au champ d'honneur européen de la Première Guerre mondiale », qui aborde les pratiques mémorielles entourant les figures sportives – célèbres et anonymes – ayant péri au cours du premier conflit mondial.

Propos recueillis par Lucas Alves Murillo

RetroNews : Au moment du déclenchement de la Première Guerre mondiale, et face au besoin humain évident, les sportifs deviennent-ils des soldats « comme les autres » ?

Camille Morata : Tout d’abord, il existe une grande disparité parmi les personnes auxquelles nous pouvons accoler le statut de « sportif ». J’en dégage cinq grandes catégories : les grandes vedettes – tels Georges Carpentier et Jean Bouin – qui voient la guerre comme une césure dans leur carrière. On y retrouve l’élite sportive. Ceux que j’appelle les « sportifs de quartier » : le pratiquant lambda, jouant à un faible niveau et mobilisé tel un soldat ordinaire. Nous avons ensuite les amateurs : ceux aimant le sport sans forcément le pratiquer, le « sportsman » à l’anglaise, qui apprécie toute une philosophie se rattachant au sport. Les pratiquants : appartenant à des sociétés de gymnastique dans une logique conscriptive, celle de la défense du pays. Enfin, une dernière catégorie se créant au cours du conflit : les « initiés », ceux qui découvrent la pratique sportive dans le cadre de la guerre, qui l’intègrent, avant de rapporter celle-ci chez eux.

Les sportifs deviennent dès lors des soldats comme les autres. En ce sens, ils sont mobilisés comme les autres. Le rôle de la presse est très important dans cet esprit : LAuto, dès le 4 août 1914, dresse la liste des sportifs mobilisés, avec notamment un article intitulé « Où vont les coureurs cyclistes ? », avec les noms et les régiments dans lesquels ils sont déployés. On peut citer Eugène Christophe, célèbre coureur [six fois champion de France de cyclo-cross entre 1909 et 1914, NDLR], que l’on retrouve dans la liste au 119e régiment de ligne.

Durant les premiers mois de la guerre, nous faisons face à une chasse à l'embusqué visant les athlètes de haut niveau, à laquelle participe la presse. En effet, au moment du déclenchement du conflit, certains sportifs...

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