Titre de presse

La Lanterne

journal politique quotidien
21 avril 1877 - 22 décembre 1928
Titre de presse

La Lanterne

journal politique quotidien
21 avril 1877 - 22 décembre 1928
21 avril 1877
Paris (France)
22 284
 
22 décembre 1928
information générale
illustrée
Quotidien

Les Unes emblématiques de ce titre de presse

Le quotidien La Lanterne fut lancé le 21 avril 1877 à Paris par Eugène Mayer – alors coulissier à la Bourse – avec le soutien actif des radicaux de Lyon. Il connut d’abord un important succès grâce à une ample campagne de presse et à son soutien véhément du boulangisme. Titre phare de la presse radicale, le journal voit son influence s’affaiblir considérablement durant l’entre-deux-guerres avant de disparaitre définitivement en décembre 1928.

En avril 1877, l’homme d’affaire Eugène Mayer, fonde le quotidien radical-socialiste La Lanterne. Originellement intitulé La Marseillaise, le journal doit être rebaptisé suite à la publication d’un autre journal éponyme quelques mois plus tôt. Un prix attractif (cinq centimes), la publication récurrente de romans-feuilletons, et un anticléricalisme impétueux en font rapidement l’une des feuilles radicales les plus populaires sous la Troisième République ; le quotidien tire à plus de 50 000 exemplaires dès la fin de l’année 1877. La permanence de ce contenu fédérateur est assurée par une équipe de rédaction éclectique : s'y succèdent Victor Ballay, Sigismond Lacroix (1845-1909), Léon Cladel (1835-1892), Catulle Mendès (1841-1909), Yves Guyot, mais aussi de grands noms de la littérature tels qu’Émile Zola.

Le quotidien est à l’origine de l’organisation de la fête nationale du 1er juillet 1878 dans un Paris galvanisé par la troisième Exposition coloniale – et privé de célébrations collectives depuis 1870. Le succès s'avère retentissant, quoique les journaux conservateurs aient par la suite tenté de minimiser l’ampleur de l'événement.

Si la finance occupe une place de choix dans le journal – notamment avec la parution d’une feuille quotidienne intitulée « La Réforme financière » –, le succès de La Lanterne s’explique surtout par la tenue d’importantes opérations purement sensationnalistes. En 1878, le journal entame une intense campagne contre la politique de Léon Say  (1826-1896) puis contre Albert Christophle (1830-1904) et enfin contre le Crédit foncier en 1879, mais s’illustre davantage encore dans sa critique de la police parisienne. L’inimitié est lancée à la fin du mois de janvier 1878 avec un premier article intitulé « Histoire de la police » visant alors à révéler les mœurs et les méthodes violentes des officiers de police.  La querelle s’envenime à partir de décembre 1878 et se poursuit le mois suivant avec la série d’articles « La préfecture de police », rédigés par un officier de police à la retraite.

Très vite, l’affaire revêt un aspect politique. En effet la police entretient des liens très étroits avec les milieux bonapartistes, dont l’influence est, à ce moment-là, encore significative. Conséquemment, le journal est condamné, même s'il contribue effectivement à la démission du préfet de police Albert Gigot (1835-1913) et du ministre de l’Intérieur Émile de Marcère (1828-1918).

Eugène Mayer n’en finit plus de proférer des attaques. Il se tourne ensuite contre la gestion des asiles d’aliénés et la magistrature, tout en multipliant les révélations de « scandales » cléricaux. Les ventes sont considérables : on passe de 60 000 exemplaires en février 1878 à 95 000 au mois d'octobre de la même année, pour atteindre les 160 000 en janvier 1879. La Lanterne fait alors partie des plus grands quotidiens français et intimide la plupart de ses concurrents. La création du célèbre L’Intransigeant en juillet 1880 ne lui porte même pas préjudice ; les ventes stagnent aux alentours des 100 000 exemplaires jusqu’en 1884.

Partisan d’un anticléricalisme de combat, le journal ne prête que peu de cas aux questions sociales et se montre assez modéré envers la politique – et la personne – de Léon Gambetta. Ouvertement favorable au général Boulanger, le journal maintient ce cap politique pendant un temps.

En 1895, Mayer, affaibli par des affaires personnelles, doit céder La Lanterne au député Émile Cornudet (1855-1921) ; Adolphe Maujan (1853-1914) devient alors rédacteur en chef. La situation devient de moins en moins pérenne ; en 1896, le journal est vendu à un groupe de presse dominé par la banque Pereire, qui confie alors la direction à Aristide Briand. 

Ce dernier entreprend de faire travailler son réseau et attire un grand nombre de leaders du socialisme national tels que Millerand, Jaurès ou encore Pelletan. Briand reste moins d’un an à la tête de La Lanterne, congédié par Eugène Pereire en personne, qui le juge « pas assez dreyfusard ». Millerand reprend la direction, puis c'est au tour de René Viviani d'être nommé en 1899. Suivront Victor Flachon – qui exploite d'autant plus la formule de l’anticléricalisme forcené afin de sauver le journal, en perdition – puis Baurely.

Les ventes se réduisent progressivement à la veille de la Première Guerre mondiale mais n'en sont pas pour autant désastreuses, puisqu'elles passent de 33 000 en 1910 à 28 000 en 1912. Au premier novembre 1917 cependant, les tirages font pâle figure : le journal ne tire plus qu'à 5 800 exemplaires, contre quelque 255 000 pour L’Intransigeant.

La guerre porte un coup sévère aux vieux journaux radicaux, déjà affaiblis par l’augmentation de leur prix. Couplé au journal Le Rappel aux mains d’Edmond du Mesnil, le quotidien s’enfonce peu à peu dans la confidentialité, subit des coupures de diffusion récurrentes, avant de disparaître définitivement le 22 décembre 1928.