Écho de presse

La ligne Maginot, « inviolable » défense contre l'invasion allemande

le 22/09/2019 par Pierre Ancery
le 01/09/2019 par Pierre Ancery - modifié le 22/09/2019
Des soldats allemands devant un bunker détruit sur la ligne Maginot, mai-juin 1940 - source : WikiCommons-Bundesarchiv
Des soldats allemands devant un bunker détruit sur la ligne Maginot, mai-juin 1940 - source : WikiCommons-Bundesarchiv

Destinée à contrer une éventuelle attaque venue d'outre-Rhin, la ligne Maginot fut construite à partir de 1928 sur toute la frontière Est du pays. Jusqu'en 1940, la presse affiche sa confiance dans un système défensif qui se révélera un échec.

Elle devait être le rempart contre une invasion allemande du territoire français. La « ligne Maginot », du nom du ministre de la Guerre André Maginot (1877-1932), était le surnom donné à partir de 1935 au système de défense mis en en place sur toute la frontière Est du pays.

 

La nécessité s'en était fait sentir dès les années 1920. En particulier parce que l'Alsace-Lorraine étant redevenue française à l'issue de la Première Guerre mondiale, le tracé du territoire s'était modifié par rapport à 1914. Pour les vainqueurs de 1918, il s'agit donc mettre mettre en place un nouveau système défensif sur la frontière reconquise.

 

L'idée retenue par les Français (après quelques controverses) consiste à construire le long de cette frontière des blocs en béton reliés par des souterrains, afin de prévenir toute attaque soudaine. Les travaux, commencés en 1928 sous la présidence du Conseil de Raymond Poincaré, se poursuivent dans les années suivantes, en particulier sous le ministère d'André Maginot, qui obtient le financement des régions fortifiées pour cinq ans, de 1930 à 1935.

 

Les frontières avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie sont ainsi couvertes de casemates et de blockhaus destinés à ralentir à une éventuelle attaque afin de laisser le temps aux troupes de se mobiliser. La frontière allemande est en outre couverte de barbelés et semée de mitrailleuses.

Pendant toutes les années 1930, la ligne Maginot va faire l'objet d'une foule de reportages, la plupart montrant une confiance inébranlable dans la solidité de ce système défensif. C'est le cas par exemple de L’Écho de Paris qui se rend sur place en mars 1936 :

« Si vous avez pris la peine de me suivre et de réaliser ce que je viens de vous proposer, eh ! bien, vous avez un schéma de la conception de la ligne Maginot, le schéma d'une œuvre qui existe et fonctionnerait demain si l'adversité voulait qu'on ait à l'utiliser [...].

 

Pendant des kilomètres et des kilomètres, on devine par quelques superstructures qui sont visibles, très bas au-dessus du niveau du sol, les redoutes colossales ou petites qui balayeraient de mitraille le vaste horizon que chacune d'elles protège du côté de la frontière. Toutes sont reliées de bout en bout de la ligne Maginot par une haie ininterrompue de barres d'acier très rapprochées, sur plusieurs rangs, et profondément fichées en terre. Cela pour arrêter l'avance des tanks ennemis.

 

Ajoutez à l'ensemble de larges réseaux de fils de fer barbelés protégeant les alentours des redoutes. Voilà ce qu'on peut voir de la route et qui donne évidemment un étrange aspect au paysage. C'est rassurant, je vous l'affirme, et inspire confiance pour imaginer le reste qui est sous terre, le plus important, qu'on ne voit pas, et qui est en fait le plus redoutable. »

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Même chose dans Excelsior, pour qui le reporter Pierre Daye se rend en avril 1936 « sur la ligne de Maginot belge » :

« Derrière la grosse ligne de défense Pepinster-Battice se trouve la place fortifiée proprement dite. Six forts protègent la ville sur la rive droite, deux sur la rive gauche […].

 

Ces protections présentent aussi une grande importance du point de vue moral. Le martèlement continu, dans l'ancien système, provoquait, lorsque des obus en série tombaient sur un fort, une si terrible tension des nerfs que les garnisons perdaient une grande partie de leurs facultés de résistance.

 

Il n'en sera plus ainsi. Cuisines, infirmeries, logements, réserves de munitions se trouvent très profondément enfouis sous la terre et le béton. Des ascenseurs électriques, un éclairage perfectionné, un aérage parfait rendent désormais possible le séjour prolongé dans ces réduits, même au cours d'un intensif pilonnage d'artillerie. »

En septembre 1938, alors que la menace de la guerre est de plus en plus pressante, L'Écho d'Alger titre avec un optimisme proche de la méthode Coué : « Il faut que les Français sachent que, derrière la ligne Maginot, le territoire de la France est inviolable ».

« L'Europe vit dans l'inquiétude. Mais cette inquiétude est d'intensité différente, suivant les pays et les régions. Ainsi, ces derniers temps, on a été plus alarmé à Londres qu'à Paris. Mais on a été également moins calme à Paris qu'à Strasbourg.

 

À quel réflexe obéissent donc les hommes qui sont plus froids et plus posés devant le danger quand il est proche que lorsqu'il est éloigné ? C'est simple : les Strasbourgeois, eux, savent exactement à quoi ils sont exposés. Ils savent que le premier coup de canon serait pour eux ; ils savent aussi, mieux que quiconque, qu'ils seraient protégés de l'invasion par la Ligne Maginot.

 

Mais ce que les Français de l'Est connaissent, il faut que les autres Français le connaissent aussi et se sentent à l'abri derrière les fortifications formidables qui s'étendent de la frontière belge à Belfort sans une seule interruption. »

Le 26 novembre 1939, trois mois après la déclaration de guerre de la France et de la Grande-Bretagne avec l'Allemagne, Excelsior reproduit les propos confiants d'un haut gradé de l'armée française :

« Après sa visite sur le front français, le colonel Denys Reitz, délégué de l'Afrique du Sud, a déclaré à Londres :

 

“Je ne crois pas que dix millions d'Allemands pourraient forcer la ligne Maginot, pas plus qu'ils ne forceraient le front britannique. Pour autant que j'en puisse juger, la seule possibilité laissée à Hitler est de mener une guérilla de piraterie et je n'ai aucun doute quant à l'issue finale.

 

Après avoir vu ce que j'ai vu des préparatifs britanniques et français – assurément le plus gigantesque effort guerrier de l'Histoire – après avoir vu l'étroite coopération qui unit ces deux pays et constaté l'unanimité de la communauté des nations britanniques, je vais retourner en Afrique du Sud pour contribuer à l'effort militaire des Alliés. »

La ligne Maginot, pourtant, échouera à empêcher la victoire allemande. En mai 1940, les Allemands passent par la Belgique, évitant les zones les mieux fortifiées. Début juin, le général Duval tente de défendre le système dans les pages du Journal :

« Nous aurions actuellement grand tort de croire que la ligne Maginot a perdu sa valeur parce qu'elle est restée jusqu'à présent hors de la bataille. Elle conserve ses avantages qui se manifestent précisément par le fait qu'elle n'est pas attaquée [...].

 

Il eut certes été favorable que la ligne Maginot ne s'arrêtât pas à Montmédy et fût continuée tout au moins jusqu'à Charleville. Cela eut réduit d'autant l'étendue de notre frontière ouverte et permis de tenir celle-ci plus solidement avec les moyens dont nous disposions.

 

La ligne Maginot n'a pas été une erreur. L'erreur a consisté à croire que la même tactique défensive serait toujours partout possible, même là où la ligne Maginot n'existait pas. Elle a consisté aussi à croire que, même sur la ligne Maginot, elle répondait à tous les besoins, à toutes les circonstances, à toutes les intentions imaginables du commandement. »

L'armistice est signé le 22. Pendant l'Occupation, les ouvrages de défense sont investis par les Allemands, qui en démantèlent une partie. Lors de l'offensive américaine de 1944, certains éléments en seront utilisés par l'Allemagne.

 

Au début de la Guerre froide enfin, une partie de la ligne Maginot sera remise en état par les Français, dans l'idée de contrer une éventuelle menace soviétique : un projet abandonné en 1960, ce type de fortifications étant devenu définitivement obsolète dans un contexte de potentielle guerre atomique.

 

 

Pour en savoir plus :

 

Henri Ortholan, La Ligne Maginot : conception, réalisation, destinée, Bernard Giovanangeli Éditeur, 2012

 

Marc Halter, Histoire de la ligne Maginot, Moselle River, 2011

 

Jean-Pascal Soudagne, L'histoire de la ligne Maginot, Ouest-France, 2016