Interview

Roosevelt-Lindbergh : duel au sujet de l’intervention américaine contre les nazis

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Charles Lindbergh (troisième en partant de la gauche) reçu par Hermann Goering (au centre) à Berlin, L’Excelsior, juillet 1936 – source : RetroNews-BnF

Si l’aviateur n’a pas détrôné le président démocrate comme l’avait imaginé Philip Roth dans son roman Le Complot contre l’Amérique, il est devenu, entre 1939 et 1941, son adversaire le plus célèbre dans le conflit qui opposa interventionnistes et isolationnistes.

La chaîne HBO commence à diffuser le 16 mars The Plot Against America, une mini-série en six épisodes adaptée par David Simon et Ed Burns (The Wire) du Complot contre l’Amérique de Philip Roth (2004). Un roman où l’écrivain américain imaginait une histoire alternative où le président Franklin D. Roosevelt était battu en 1940 par l’aviateur Charles Lindbergh, partisan d’une neutralité bienveillante envers l’Allemagne nazie.

Une période trouble de l’histoire américaine que l’historienne Lynne Olson a étudiée dans Those Angry Days. Roosevelt, Lindbergh, and America's Fight Over World War II, 1939-1941 (2013).

Propos recueillis par Jean-Marie Pottier

RetroNews : Philip Roth a eu l’idée de son Complot contre l’Amérique en découvrant, dans l’autobiographie de l’historien Arthur Schlesinger Jr., que certains républicains avaient songé à faire de Lindbergh leur candidat à la présidence. Ce scénario aurait-il pu se produire ?

Lynne Olson : Le Complot contre l'Amérique est un livre incroyablement puissant et fondé sur un scénario intéressant, mais pas sur la réalité. Des républicains, au Congrès et en dehors, suppliaient en effet Lindbergh d’entrer en politique alors que sa popularité et sa stature avaient fait de lui le leader officieux du mouvement isolationniste – mais il a affirmé très clairement dès le début qu'il n'en avait pas envie.

Depuis l’exploit incroyable qu’avait été sa traversée de l'Atlantique en solo en 1927, qui avait fait de lui un des hommes les plus célèbres d’Amérique si ce n'est du monde, il avait essayé de rester loin des regards du public, ce qui était bien sûr impossible. Il croyait fermement en ses convictions et ne voulait pas devoir les adapter à ce qu'on croirait bon pour lui. C'était un vrai individualiste qui savait qu'il ne ferait pas un bon homme politique, et qui détestait la politique.

Vous écrivez que Lindbergh était alors le seul Américain à pouvoir rivaliser avec la popularité de Roosevelt. Comment l’expliquer ?

Lindbergh a réalisé son vol transatlantique neuf ans après la fin de la Première Guerre mondiale, à une époque pleine de cynisme et de désillusions.

La guerre était supposée avoir rendu le monde et la démocratie plus stables mais cela ne s'était pas produit. Les années 1920 avaient été une époque de bouleversements sociaux, des jeunes gens menaient un style de vie que les anciens n'appréciaient pas, avec par exemple les « garçonnes ». Les Américains étaient à la recherche d'un héros en qui croire.

Lindbergh, jeune, séduisant, modeste, collait à ce rôle. Il ne s'attendait pas à acquérir cette célébrité stupéfiante et cela l'a submergé. Il l’a utilisée mais l'a tout de suite détestée.

« Le principal adversaire de Roosevelt dans sa lutte contre l’isolationnisme fut le colonel Lindbergh », Paris-Presse, février 1950

Qu’est-ce qui l’a rendu isolationniste et si arrangeant envers l’Allemagne nazie, au point d’accepter une médaille du régime en 1938 ?

Lindbergh a été horrifié par la façon s...

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