La Revue n° 3 | Pages 208 et 209

Page 208

Sentiments filiaux d'un parricide

Par Marcel Proust

Image 1 : Marcel Proust, dessin inédit d'André Szekely de Doba – Source : Gallica-BnF

Page 209

Paru dans Le Figaro, le 1er février 1907

Ni fleurs ni couronnes, seulement deux cercueils placés côte à côte. Le 26 janvier 1907, en l'église Saint-Augustin de Paris, on enterre dans la simplicité l'ingénieur Henri Van Blarenberghe, administrateur de la Compagnie de l'Est, l'une des grandes sociétés ferroviaires françaises, et sa mère, Amélie Thiébaut-Brunet. Deux jours plus tôt, le premier a tué la seconde avant de se suicider.

Le drame a eu lieu en milieu d'après-midi dans l'hôtel particulier du 48, rue de la Bienfaisance, près du parc Monceau, où vivent Henri Van Blarenberghe et sa mère, veuve depuis l'été précédent.

L'écrivain Marcel Proust est un proche de la famille. L'auteur de la Recherche du temps perdu a trente-cinq ans et une solide réputation de dilettante mondain, quoiqu'il ait déjà publié un recueil de poèmes et de nouvelles (Les Plaisirs et les Jours, 1896), plusieurs traductions et divers articles. Le directeur du Figaro, Gaston Calmette, lui propose donc d'écrire un article revenant sur sa relation avec les Van Blarenberghe et les possibles origines, familiales ou psychologiques, du crime. Proust passe une nuit sur sa copie. Le 1er février, Le Figaro publie un chef-d'œuvre.