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Une pionnière de la publicité : La Vache qui rit

le par - modifié le 15/05/2023
le par - modifié le 15/05/2023

Lancée par les fromagers Bel au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’inusable et amicale vache de couleur rouge devient, dès les années trente, un incontournable de la réclame française. Dotée du don d’ubiquité, amie des mères de famille comme des enfants, son succès colossal ne s’est jamais démenti.

L’histoire de la Vache qui rit débute durant la Première Guerre mondiale. Ce n’est au départ pas une histoire de fromage fondu, mais une histoire de transports automobile liés au ravitaillement des armées. On est très loin d’une Vache qui rit entièrement végétale, comme l’a annoncé récemment la firme Bel. En effet, à la suite d’un concours lancé par l’armée en 1917, c’est pour orner des camions militaires transportant de la viande, que Benjamin Rabier a conçu un buste de bœuf hilare, à qui,  pour se moquer de l’ennemi, un Poilu a donné le nom irrévérencieux de « Wachkyrie », en jouant sur l’assonance avec La Walkyrie, l’opéra de Richard Wagner.

En janvier 1919, dans la galerie parisienne dirigée par Georges Petit, une exposition de 155 insignes des sections automobiles rappelle leur histoire. Elle est liée à l’initiative de Paul Heuzé, un jeune écrivain, auteur de plusieurs ouvrages sur l’utilisation des camions pendant la guerre.

« Qu'y a-t-il de plus semblable à un camion qu'un autre camion ? Il était difficile de reconnaître les voitures de telle ou telle unité parmi des milliers de véhicules identiques.

Aussi chaque groupe a-t-il eu l'idée bien française de peindre qui, sur la carrosserie, qui sur la bâche, des petites images en couleurs servant d'insigne distinctif. »

Pour Sergines, le critique de l’exposition, cette vache n’est cependant pas très convaincante :

« Même amour de l'à peu près pour la Wachkyrie, à consonance wagnérienne, où l'on reconnaît une vache qui rit. »

Léon Bel avait-il visité l’exposition ? Que nenni !

Cet industriel, né en 1878, a repris en 1897 le négoce familial, en fondant avec son frère la société fromagère Bel et Frères, localisée dès 1898 à Lons-le-Saunier. Il la dirige seul quatre ans plus tard. Pendant la guerre, il s’engage volontairement. Il est mobilisé en 1914 comme sous-officier aux escadrons du « Train », le service automobile de l’armée qui assure la logistique et le ravitaillement des troupes. Il est donc fortement sensibilisé à la question de la conservation et de l’acheminement des produits alimentaires. Cela d’autant plus qu’il appartient précisément à l’une des sections de son régiment liée au Ravitaillement en viande fraîche, la RVF B70, dont l’emblème est justement notre bœuf qui se marre.

C’est en 1921, que, utilisant une recette apportée de Suisse dans le Jura dès 1917 par les frères Graf, Léon lance la production dans son entreprise d’un fromage fondu vendu en boîte de métal, dont la conservation est, de ce fait, excellente. En fait, dès 1907, la société Gerber de Pontarlier avait inventé une première recette de fromage conditionnée en boîte qu’on pouvait ainsi transporter même dans les pays chauds. Mais, en utilisant les excédents de meule, celles qui sont fendues, ou de moindre qualité, la recette des Graf est encore plus économique et la conservation du produit est exceptionnelle.

Bel achète tout d’abord une participation dans l’entreprise Graf (avant de la racheter bien plus tard complètement, en 1961). Puis, pour éviter tout problème, il prend quelque temps l’un des frères Graf, Emil, comme directeur technique (1920-1922).

Le produit ne suscite a priori au départ pas d’articles de presse en tant que tel (et il en suscitera peu, finalement). Seules des publicités publiées vantent dès la fin de l’année 1921, ce « fromage moderne », « très nutritif de goût, très fin et sans déchet », « le roi des fromages » et le « fromage de tous », qui a obtenu un Grand prix à l’Exposition de l’alimentation et de l’hygiène organisée au printemps au Jardin zoologique d'acclimatation de Paris en 1921 (présent dans les foires, il en obtiendra beaucoup d’autres). Mais, à ce moment-là, il n'est pas encore question de vache !

Dans le contexte inflationniste de la sortie de guerre, le marché est en fait vite envahi par ces crèmes de gruyères. Normalement, pour les fabriquer on doit utiliser des comtés choisis parmi des fromages fins de pâte et de goût, avec un point de maturation convenable. Mais, en 1920-21, des spéculateurs tentent, en le vendant un peu moins cher, de faire passer pour du véritable gruyère vendu à prix fort, des mixtures, fabriquées « à l’aide de sous-produits » et très peu de gruyère. Des inspecteurs du service des fraudes arrêtent ce trafic qui, en monopolisant sa production, provoque en effet une hausse du prix du gruyère.

Quel nom Bel doit-il dès lors donner à son produit ? Et comment se démarquer des autres fromagers ? Les concepteurs initiaux, les frères Graf, l’appellent « crème de gruyère » et en revendiquent la paternité (pour eux, le gruyère ne peut être que suisse et non français). En mars 1920, lors de la vente en participation à Léon Bel, ils refusent que celui-ci utilise l’expression, et ils feront des procès à d’autres fromagers par la suite. C’est perdu d’avance ! Au départ, la marque déposée par Bel est donc appelée : « Le fromage de Madame »… Mais, dès avril 1921, c’est sous le nom de marque de « La Vache qui rit » que le produit coexiste avec d’autres crèmes de gruyère qui se disputent le marché français : crème du Jura, crème supérieure de Gerber, crème d'Emmental, le véritable petit Gerber, etc.

Léon Bel n’est pas le seul à utiliser une tête de vache, et peut-être pas le premier. Dès avril 1920, on trouve en effet dans Le Phare de la Loire des encarts publicitaires appelant les consommateurs à refuser les imitations, en exigeant « bien la marque à la tête de vache ! », celle d’une « crème de gruyère aux fleurs du Jura », vendue par G. Caillé, un négociant de Nantes. Mais le trop grand sérieux de cette vache a peut-être nuit à son succès. Et puis Nantes est un peu loin du Jura !

La première vache de Bel, réalisée par la maison publicitaire lyonnaise Ramboz, ne satisfait pas l’industriel, qui veut une véritable mascotte. Il démarche plusieurs dessinateurs et choisit finalement, après beaucoup d'hésitations, celle de Rabier en 1923. Est-ce à cause de son passage dans les unités du Train ? À cette date, l’artiste, aujourd’hui passé à la postérité, est aussi en pleine gloire. Il a illustré les Fables de La Fontaine en 1906, on retrouve alors ses dessins dans des publicités pour Dubonnet, Le Bon marché, Maggi… dans toute la presse, il crée aussi pour le cinéma (Émile Cohl), et son mythique canard, Gédéon, va naître la même année.

Ce serait l’artiste qui conseille, au moment de l’impression (toujours à Lyon, mais chez l’imprimeur Vercasson), de teinter de rouge la tête du bovidé. Et, pour féminiser l’animal hilare, la femme de Bel lui aurait fait ajouter des boucles d’oreilles. En forme de boîte de Vache qui rit, celles-ci créent une mise en abyme du produit, et du rire de notre bête.

Avec un bon sens de la publicité, ou plutôt de la réclame comme on l’appelle alors, l’industriel commande en novembre 1923 à son imprimeur des milliers de grandes affiches... En 1926, elle vante encore les « gruyères de la vache qui rit », comme « les meilleurs des meules en boîte ». En 1927, la Vache qui rit est devenue une « crème de gruyère de luxe ». En 1928, comme celles du Bébé Cadum, elles apparaissent déjà emblématiques des affiches commerciales qu’on trouve partout en France.

C’est donc en partie à cause de la vache de Rabier, que le succès de ce produit, qu’on appelle aussi « crème du Haut-Jura », est rapide. Les crémeries qui en ont en dépôt, en font aussi elles-mêmes la publicité, comme cet établissement de Riom qui, en 1925, s’adresse bien évidemment aux dames :

« Madame, Pour bien compléter un repas, n’oubliez pas d’y ajouter un bon Fromage.

La Crème du Haut-Jura est exclusivement fabriquée avec du Gruyère de qualité.

La marque La Vache qui rit  est particulièrement recommandée par sa finesse, son bon goût et son prix.

Exigez sur chaque boîte : « BEL et BON ». C’est une garantie. »

Il est en effet implicite dans le discours des publicistes que ce sont les femmes qui achètent, pour nourrir leur famille. Or, cette vache laitière et rieuse est aussi nourricière. CQFD !

L’autre idée de génie de Léon Bel est de faire couler le fromage en portions, et ce dès 1924. Le succès est tel qu’on produit 12 000 boîtes par jour avant la fin de l’année. Conditionnées d’abord dans des boîtes en fonte, puis très vite dans des boîtes en carton, les portions individuelles sont protégées par un emballage en étain. 1925 est l’année de l’installation d’une nouvelle usine, capable d’assurer une production de 120 000 boîtes par jour en 1926 ! A cette date, l’entreprise a même créé un véritable service de publicité.

Le succès du produit et du nom fait vite des émules. La laiterie Saint-Hubert de Nancy, reprend même le nom de Vache qui rit pour son camembert, en utilisant elle aussi un dessin de Rabier !

Parmi les fromagers du Jura, l’un d’entre eux, Grosjean, s’affirme comme un concurrent « sérieux ». En 1926, il dépose ainsi la marque La Vache sérieuse, en incitant lui aussi les consommateurs à se méfier des contrefaçons ! La bataille entre les deux entreprises se poursuit jusque dans les années cinquante, où Bel, d’abord attaqué pour contrefaçon, va contre-attaquer devant les tribunaux en imposant à son adversaire d’appeler son fromage La Vache Grosjean (1957).

Dans les années trente, avec la crise économique et sociale, la notoriété de la marque reste plus que jamais appuyée sur la publicité. Les annonces dans la presse stipulent alors que :

«​​ Nos maris peinent. A nous de faire bonne table, tout en soulageant le budget familial.

La femme moderne doit savoir acheter ; faisons confiance aux fournisseurs qui luttent pour la vie moins chère, faisons confiance à… la VACHE QUI RIT. »

En 1931, le compositeur Jean Rodor (1881-1967) a été commandité par la firme pour écrire une chanson publicitaire diffusée à la radio, dont on joue aussi le refrain lors des Six-Jours cyclistes au Vélodrome d’Hiver de Paris en mars :

« C'est la Vache qui Rit

Pour la plus grande joie de tout l' pays

Elle a comme boucles d'oreilles

Une boîte de sa crème

À nulle autre pareille

Mais, mais, mais,

Quand elle mugit, git, git

Écoutez son cri, cri, cri

De tous les fromages

Le plus exquis

C'est celui... de la Vache qui Rit »

L’entreprise utilise en effet aussi largement le mécénat sportif publicitaire. En 1933, elle subventionne ainsi notamment les Six-jours cyclistes de Marseille, une compétition d’athlétisme en Provence, et même le Tour de France.

Une immersion de l’industrie dans le sport dont se plaint d’ailleurs en 1934 Der Republikaner, un journal socialiste du Haut-Rhin. Dans un compte rendu de l’ouvrage de Paul Gsell (L’URSS et sa foi nouvelle), le journaliste évoque l’URSS où :

« Le sport a pour but de développer le corps et non de battre des records ou de faire vendre le fromage 'La vache qui rit' comme dans notre Tour de France. »

L’un des autres vecteurs, ce sont les concours annuels dotés de prix alléchants dans une France qui n’est pas encore entrée dans la société de consommation. L’entreprise inonde alors la presse nationale et provinciale d’annonces fracassantes. Deux Peugeot dotent ainsi les premier et deuxième prix du Concours 1936. Il s’agit, muni de 30 tickets concours glissés dans les produits achetés, de trouver des mots dans un texte sur la Vache qui rit vantant sa richesse en vitamine D pour des os solides et des dents saines, en s’appuyant sur un discours médical. L’année suivante ce seront des voitures Renault qui seront offertes aux heureux gagnants !

Même si tous ne sont pas passés à la postérité (le Briebel, ou le Beledam ont ainsi disparu), la société Bel fait aussi face à la crise en introduisant de nouveaux produits. Le célèbre Babybel apparaît en 1933, la Petite Marmite (sorte de bouillon instantané au fromage) en 1934. À la fin de la décennie, outre la Vache, encore d’autres fromages comme le Bonbel Abbaye de Baume, ou le Goudabel, complète la gamme qui va s'élargir encore dans les années cinquante.

On étoffe aussi au maximum la clientèle. On retrouve de ce fait des annonces dans différents types de presse. Dans la presse féminine, les réclames sont parfois déguisées en entrefilets adaptés spécifiquement aux lectrices. Malgré tout, on ne trouve a priori pas d’annonces dans des journaux au lectorat plus bourgeois comme Le Figaro ou Le Temps, où seul figure un entrefilet consacré au sous-directeur de la succursale britannique de « la firme de fromages bien connue La Vache qui rit », assassiné sur une plage du Touquet « d’une balle de revolver dans la tête ».

S’il n’est pas spécifiquement consommé par la troupe (on en trouve malgré tout sur des menus de casernes pour le 14-juillet), le produit reste facilement transportable partout, même dans les champs. Dans cette France grande consommatrice de fromage et encore très rurale, des publicités de la fin des années trente s'adressent même aux paysannes dans les régions rurales :

« Les fermières avisées le savent bien. Elles n'oublient jamais de glisser dans le panier de chaque homme une portion de délicieuse vache qui rit ! »

Par ailleurs, l’exportation vers l’étranger a débuté dès les années trente avec le Royaume-Uni (1929) et la Belgique (1933), et la Vache continue de poursuivre son extension mondiale après la guerre, atteignant les États-Unis dans les années soixante-dix (sous le nom « The Laughing cow »).

La vache apparaît ainsi dans le courrier des lecteurs de Bayard en 1936, où un jeune lecteur souhaite échanger un roman cinématique contre des tickets concours de la Vache qui rit. En 1937, « André Dépernon, 177, rue Maréchal-Pétain, Abbeville (Somme), échange ou vend tous numéros « Tartinette » et « Vache qui rit », 0 fr. 25 pièce. » (Bayard, 28 février 1937). Dès 1931, des « primes », contenues dans les boîtes, contiennent des vignettes (vedettes, sportifs, monuments…) à collectionner ou à coller dans des albums. Ceux-ci, complétés, débouchent sur de nouveaux cadeaux. « Amie des enfants », on trouve aussi notre vache sur des buvards distribués aux écoliers par les épiciers...

Avec un rationnement qui a duré jusqu’en 1949, les années de privations de la Seconde Guerre mondiale ne sont pas un lointain souvenir au début des années cinquante. On vante donc toujours ses mérites en termes de gaspillage alimentaire :

« Dans La Vache qui rit ‘tout se mange… et tout est bon’, sauf le papier. Pas de croûte, pas de déchets ! Aucune miette, aucune perte ! »

Des économies et un vrai régal, qui attirent en particulier les classes populaires. La firme ne s’y trompe pas en plaçant des annonces dans France-Soir, comme dans des journaux communistes comme L’Humanité ou Ce soir. On y adapte le discours publiciste à ce qu’on pense être un lectorat populaire, sans aller toutefois jusqu’à parler de « camarades » (L’Humanité, 7 décembre 1950). Dans tous les cas, on insiste sur les caractères nutritif et avantageux pour des publics qui n'ont pas « d’argent à gaspiller ».

Mais, dans ces années de Guerre froide, si les journaux communistes acceptent de publier quelques annonces, ils n’hésitent pas à dénoncer les industriels du fromage, dont le patron de la célèbre vache :

« Alors qu’en 1949 la direction de cette entreprise exigeait jusqu’à 60 heures de travail par semaine de ses ouvriers, elle les réduit aujourd’hui au chômage partiel : 21 heures par semaine, soit un salaire net de 1 300 francs !

De plus, 30 % des effectifs viennent d’être licenciés ces jours derniers et la production est tombée à 5 tonnes contre 18 tonnes précédemment. »

Or, pour le quotidien communiste, cette surproduction fromagère est due à « la diminution considérable du pouvoir d’achat des masses laborieuses. » Le journal dénonce aussi l’avidité capitaliste de cette vache qui avale tout, en mettant sa marque sur toutes sortes de fromage.

Comme pour le Bébé Cadum ou d’autres produits iconiques, le nom de la firme est ainsi très rapidement associé à son logo, la Vache, avec une image utilisée de multiples façons. Les Lettres françaises peuvent en 1951 la citer pour protester contre l’expulsion d’un peintre par les « Petits Suisses Gervais » ! En 1941, Paul Gordeaux publie dans Sept (9 mai 1941) une « fantaisie » illustrée par Jean Effel, composée d’historiettes autour de marques célèbres, dont notre Vache qu’il fait dialoguer avec un pingouin.

C’est aussi une icône dont une partie des références sont étroitement liées au contexte de l’époque. Certaines pourraient être gênantes comme celle liée à l’histoire de la SS Annie Graff, surnommée la Vache qui rit (à cause de son nom de famille), dont Françoise Giroud raconte sur le mode ironique, mais en s’indignant, le procès tenu en zone française d’occupation en Allemagne en 1948. Selon la journaliste, la condamnation à 15 ans d’emprisonnement semble très légère pour ce que cette nazie a fait subir aux détenues du kommando de Holleischen, dépendant du camp de Flossenbürg. Il est vrai que la mort de plusieurs détenues n’a pu être retenue comme chef d’accusation valide, car… les témoins n’ont « pas pu produire l’acte de décès » (!).

Le climat d’épuration de la sortie de guerre donne aussi naissance à un procès qui concerne cette fois directement l’entreprise. En janvier 1950, la XIIIe chambre correctionnelle de la Seine statue sur une affaire de chantage. Léon Bel a en effet porté plainte contre un boucher (Maurice Pillot) qui « menaçait de le dénoncer comme ayant livré certains de ses ouvriers à la Gestapo – à moins qu'il ne consentît à débourser 100.000 francs. »

La cour condamne finalement à « 18 mois de prison, 4.000 francs d’amende et cinq ans d'interdiction de séjour » ce  « boucher qui voulait faire ‘chanter’ la ‘Vache qui Rit’ ! »

Autre preuve de la renommée de la marque à cette date, cette arnaque téléphonique racontée par le même journal, où un malfaiteur se faisait passer pour Léon BelVous savez : ‘La Vache qui rit’…»), pour tenter d’escroquer des restaurateurs de plusieurs milliers de francs.

Malgré tout, au milieu des années cinquante, la réussite s’émoussant un peu, on modifie plusieurs choses. D’abord la recette. En 1951, alors que le nombre de calories d’un produit reste toujours plus un atout qu’un problème, la pâte devient encore plus grasse, et donc plus calorique, mais aussi plus onctueuse et facile à tartiner. On change aussi légèrement l’image de la fameuse vache, dont on adoucit les traits en émoussant juste ses cornes. Autre innovation importante, on introduit une languette sur le packaging qui permet d’ouvrir les boîtes très facilement.

Le début des Trente glorieuses est aussi l’occasion de mettre en place de nouvelles stratégies publicitaires afin d’entretenir cette notoriété. « La Vache » ne s’affiche plus seulement sur des affiches dans les rues, dans le métro, sur les autobus, dans des réclames dans la presse ou à la radio ; elle apparaît désormais aussi dans des jeux radiophoniques comme celui animé par Alain Saint-Ogan et Arlette Peters (La Vache qui rit au Paradis des animaux), diffusé chaque semaine sur les antennes de Radio Monte Carlo, Radio-Luxembourg, Radio-Andorre et même Radio-Tanger-International et Radio-Africa-Maghreb...

Et c’est également au cinéma que la Vache a fait son entrée (dans les programmes au début des séances), avec notamment en 1950, l’actrice Pauline Carton dans Le Cordon bleu, avant d’accéder à la télévision à partir de 1968 (date à laquelle la publicité est autorisée sur le petit écran).

Toujours en 1950, un autre artiste s’empare de l'icône pour créer un court métrage publicitaire, Le Congrès du rire. Il s’agit de Paul Grimault, le futur concepteur du Roi et l’oiseau (1952). Cela ne sera pas le dernier, puisqu’en 1985 Franquin réalise un album promotionnel, Lagaffe qui rit, où, sur la couverture, Gaston porte des boucles d’oreille en forme de boîte de Vache qui rit.

Et aujourd’hui, on ne peut pas ouvrir un album de Philippe Corentin, sans voir dans ses animaux rabelaisiens, des réminiscences contemporaines du rire de la Vache de Benjamin Rabier !

Pour en savoir plus :

Julien Baudry, « Un dessinateur à l’antenne : Saint-Ogan et la radio », in : Cahiers Robinson, n° 40, 2015

Serge Martin, « De Benjamin Rabier (1864-1939) à Philippe Corentin (né en 1936) : la vache qui rit jaune », in : « La Littérature à l’école », Hypothèses

Guillaume Villemot et Vincent Vidal, La chevauchée de la Vache qui rit, Hoëbeke, 1991 (quelques erreurs, NdA).

La Maison de la Vache qui rit, Connaissances des arts, Hors série, 2018.

 « Établissements Graf Frères SA (Dole, Jura, 39) »

« Holleischen / Holyzov (K 12 F). Historique du kommando », Association des Déporté.e.s et Familles des Disparus du Camp de concentration de Flossenbürg & Kommandos