Extrait du journal

PLUS que l'homme des champs, le Parisien est citoyen de la nuit. Il y a en lui du braconnier et du contrebandier, et peut-être doit-il à de telles origines sa qualité de citadin d'une des grandes villes du monde. Surtout le Parisien, ses aïeux fussent-ils Normands, Corses, Alsaciens, Picards ou Auvergnats, le Parisien sait tirer des joies de ses insomnies. Je retrouve au cœur des ténèbres de 1942 le parfum et l'écho de nuits d'années lointaines. Ceci se passait en des temps très anciens, entre 1908 et 1912. Mes parents habitaient rue SaintMartin, au coin de la rue des Lombards, en face de l'église Saint-Merri et de la rue de la Verrerie. De mon lit, je pouvais voir la lueur d'un réverbère dans le renfoncement qui précède la rue Saint-Bon et ses escaliers. Le bruit des insurrections s'était évanoui dans le passé. Le souvenir de Liabeuf était encore chaud comme le sang. La nuit, lc< profonde nuit ne connaissait que le bruit des fiacres : top, top. top. tap réguliers des chevaux, roulement des roues dont le son variait suivant que le pavé était de pierre ou de bois. Le bar où un phonographe énorme moulait la * Valse brune * et * l'Express de Normandie * était fermé....