Extrait du journal

Par une belle matinée de printemps, nous étions, plusieurs camarades de travail, réunis autour d'une table de montage a l'usine Léopold Maurice de Gennevilliers. Nous devions passé la nuit à fignoler un travail qui nous tenait à cœur. Le jour pénétrait sournoisement par la grande baie vitrée et soudain nous pûmes distinguer les arbres du jardin et, au milieu d eux, un grand pommier en fleurs. Ce fut brusquement comme une découverte d’un monde nouveau. Nous avions tous naturellement déjà vu des pommiers en fleurs, mais il nous semblait que jamais nous n’en avions admiré d'aussi touffu. Les fleurs semblaient se pousser l une l'autre faute de place. Nous n'arrêtions pas de nous extasier sur leur grosseur, leur richesse, leur santé. Le petit matin bleuâtre les colorait délicatement. Puis, passant du détail à l'ensemble, comme on le fait au cinéma, nous considérions l'ensemble du jardin qui s'éveillait. Tout y était : des oiseaux familiers jusqu'à l'insolence nous frôlaient, des petites pousses vertes donnaient l'idée d'une salade plus tendre et plus fraîche que toutes celles que nous connaissions. Et, au delà de cet oasis, comme fond, nous pouvions distinguer ch: maisons lépreuses, des usines fumant tragiquement, tout le cadre classique de la banlieue parisienne, autrefois le plus beau paysage du monde, aujourd’hui saccagé, souillé, déshonoré par la cupidité et la bêtise des industriels et des propriétaires •le terrain....