Extrait du journal

M. Chamberlain va se rendre à Rome dans quelques semaines. Certains s'en effraient, et je me demande pourquoi. La politique à laquelle s'est voué le premier ministre britannique est fort sim ple et fort claire. Elle consiste à supprimer toute inimitié entre son pays et les autres. Il est allé d’abord en Allemagne parce qu’il courait au plus pressé. Il est venu ensuite à Paris. Enfin il gagnera l’Italie, semant partout de bon nes paroles et montrant un grand désir de s’entendre avec chacun. C’est le premier acte. Le second sera, si l’on peut dire, celui de la médiation. Si l’Angleterre réussit à nouer de bonnes relations entre elle et les trois grands pays occi dentaux. elle essaiera de trans former ces ententes particulières en une entente générale. Le plan est vaste, et un peu plus com pliqué que ne le prévoit sans doute M. Chamberlain. Mais enfin, c’est le sien. Il faut, à ce propos, nous dé faire d'une illusion qui est trop répandue en France. Nous nous imaginons volontiers que les étrangers nous aiment pour nousmêmes. Non. Ils se plaisent chez nous, ce qui n’est pas du tout la même chose. Ils goûtent le char me de notre pays et certaines fa çons de vivre qu'ils y trouvent. N’en concluons pas qu’ils sont prêts à s’exposer aux pires dan gers pour nous défendre. Je sais bien, comme tout le monde, que l’Angleterre serait obligée de se ranger à nos côtés si nous étions envahis. Car elle ne pourrait laisser l’Allemagne s’installer sur les rives de la Manche et de la mer du Nord. Elle se protégerait donc en nous protégeant, et je crois qu’elle y est résolue. Mais, cela dit, on a tout dit, et il n’y faut rien ajouter. Il est possible d étendre et de développer les sympathies an glaises à notre égard. Mais la condition nécessaire est que nous soyons forts, unis et ordonnés. « La séparation de l’Angleterre et de la France, écrivait hier un journal italien, se fera quand l’Angleterre s’apercevra qu’une France incapable de se maintenir forte constitue un poids plutôt qu’une garantie pour les intérêts britanniques. » Oui, mais c’est de nous qu’il dépend de montrer que la France est capable de se maintenir forte. Notre salut, et la paix, sont à ce prix. Louis LATZARUS....