Extrait du journal

Par décision du 3i octobre, lé ministre de la guerre « a autorisé les corps de trou pes à percevoir, à titre remboursable, au prix ministériel, les quantités de thé né cessaires pour préparer une boisson chaude et tonique. » Et le vin chaud, monsieur le ministre, n'cst-il donc pas une boisson aussi tonique que le thé cliaud ? Gommant, M. le général André, minis tre delà guerre, originaire de Nuits— là, tout près de nous,— c’est-à-dire d’un pays de vignobles produisant des vins juste ment renonunés, a pu signer une telle dé cision, c’estlirop fort!... M. le général André plus que tout autre, puisqu’il est Bourguignon,doit savoir l’atroce situation faite, depuis deux années, aux propriétai res et vignerons, par suite de la mévente de leurs récoltes, et il choisit cet instant plein d’angoisses pour conseiller à nos troupes l’usage du thé, c’est trop fort !... Le thé! Mais le thé de bonne qualité se vend des prix énormes, il provient de pays exotiques, et je suis à me demander si le thé qui composera la ration de nos braves troupiers sera bien du thé, pré paré comme il convient pour produire son action tonique ? Je crains fort que ce ne soit qu’un mélange innommable de feuil les et de foins desséchés, à moins pour tant — cette décision survenant après le règlement des affaires chinoises — que le thé, dont parle M. le général,André, ne soit la représentation de l’intérêt ainsi escompte de l’indemnité de 200 millions, je crois, qui doit être payée en 4° an nées (!) par la Chine à la France... Qaoi qu’il en soit, cette décision est inopportune ; ce n’est pas ou moment où la crise viticole sévit au point que la grève des vignerons, — amorcée déjà dans le Midi, — peut prendre une tour nure très grave, que M. le ministre de la guerre aurait dû conseiller aux corps de troupe l’usage du thé ! Le thé ne se récolte pas sur notre sol de France, monsieur le ministre, mais il est une boisson qui s’y récolte, une boisson hygiénique entre toutes, une boisson que tous les peuples nous envient, une boisson qu’ont bue tous nos grands capitaines et tous les héros modestes qui, sous la capote du soldat français, sont tombés sur les champs de bataille, une boisson qui donne la gaîté, la force,l’esprit, l’endurance, ujie boisson qui n’est pas chinoise, mais bien française, et qui s’appelle le vin, le bon vin de France et dont les trois couleurs s’har monisent si bien avec notre glorieux dra peau tricolore. C'est cette boisson, M. le ministre, que vous avez le devoir de con seiller à nos corps de troupe, à l’exclusion de toutes les boissons étrangères ! Ah ! ce n’est pas en buvant du thé, du thé capable de nous jaunir le teint à l’ins tar des Chinois, que nos pères ont porté si loin le bon renom de la France ! C’est en buvant du vin, ne l’oublions pas... Les combattants des grandes guer res, nos sublimes volontaires de 179a, connaissaient-ils le thé ? Allons donc, ja mais ! ils vidaient un verre de vin et cou raient à la mort pour défendre la Patrio en danger... Le thé ! oh! je ne nie pas, qu’à un Jive o'clock mondain, il ne soit de rigueur, la mode est si idiote, mais en quoi cela peut-il intéresser nos soldais? De plus, le thé se vend généralement, dans les pharmacies, tandis que le vin de France se vend clans les caves de nos vi gnerons. Or, je préfère la cave à la pharmacie !...