Extrait du journal

Paris, 8 août. Le discours de M. Jules Ferry, dont je vous signalais hier quelques curieux pas sages, continue à défrayer la gaîté géné rale On trouve surtout que M. Ferry a gran dement raison de recommander l’usage de la langue française. Il la traite, notre pauvre langue nationale, comme si elle était celle d’une congrégation non auto risée, celle des Jésuites. Son inspiration a été mauvaise et hai neuse. Il a plaidé devant des enfants une thèse qu’il défigurait, afin de porter leurs jeunes et faibles âmes à des sentiments indignes d’elles. Qui pense à usurper les droits, à méconnaître la dignité, à amoindrir le domaine de l’Université? Est-ce qu’il n'y a point place pour lotit le monde au soleil de la liberté f En 1844,1e ministre de F instruction pu blique était un grand homme d’esprit et de bon sens ; il s appelait Villemain. Croyez-vous qu'il fit appel aux ardentes et folles préventions, dont notre juvénile ignorance était obsédée? Non 1 De sa voix puissante et enchanteresse, de son geste si éloquemment dominateur, il distribuait les conseils rassérénants de sa haute sagesse : « Jouissez, disait-il. de cette heureuse paix des études, jeunes élèves ; de cette pure émotion qui les encourage. N'y mê lez pas de pensées étrangères; elles affai bliraient, elles dissiperaient votre ardeur. A vous le travail desintéressé, les efforts bien voulus de tout le monde et les suc cès sans contestation et sans envie f Ail leurs les controverses et les luttes que vous connaîtrez plus tard. « Que si, pourtant, quelque chose en arrivait déjà jusqu'à vous, il n’est pour vous qu’une manière de le ressentir : c’est de redoubler de vivacité studieuse et de sévère application ! » Voilà de quel ton généreux et viril on...