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Gazette nationale ou le Moniteur universel, 1 janvier 1789

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Gazette nationale ou le Moniteur universel
1 janvier 1789


Extrait du journal

O N ne pouvait remplir une tâche plus difficile que celle de renfermer dans un cadre à la fois tidcle et circonscrit, ce nombre prodigieux d’évènemens extraordinaires qui se sont pressés depuis qu’on a commencé à parler de la révolution française. Devant elle semble s’effacer tout ce que l’histoire des Peuples antiques offre de mémorable ; la science politique , celle de la législation civile , la connaissance des hommes , celle de leurs droits comme de leurs devoirs et de leurs passions , enfin le progrès de toutes les con naissances qui s’appliquent au perfectionnement de la société, ont pris dans quelques années , par les efforts simultanés de tout ce u’un Peuple nombreux renfermait d’esprits actifs et instruits, un évcloppement auquel elles n’avaient point encore paru pouvoir atteindre ; ensorte que l’histoire de cette révolution semble être comme une bibliothèque politique devant laquelle un nouveau Mahomet aurait, presque sans danger pour l’expérience des Peuples, proscrit toutes les autres. La difficulté de classer et de décrire une masse de faits dont l’admiration de ceux qui portent leur œil sur le passé , a peine à embrasser la multitude, n’était pas la seule que nous eussions à vaincre dans cette entreprise ; la partie la plus nombreuse de ces évènemens, ceux dont l’importance s’est accrue avec les succès de la révolution , se trouvaient déjà recueillies dans les feuilles du Moniteur qui ont paru depuis le 24 novembre 1789; recueil qui a le plus précieux avantage de comprendre dans son étendue tous les détails les plus propre à les caractériser, qui est une espèce de pro cès-verbal écrit jour par jour par des témoins oculaires des faits , et en présence des témoins intéressés de tous les partis, dans le quel enfin les principaux acteurs de la révolution , dépouillés de cette sorte de toilette que l’histoire donne à ses héros , et repré présentés par eux-mêmes dans leur démarches et leurs discours journaliers, ont, pour ainsi dire, broyé de leurs mains la couleur des tableaux dans lesquels ils figurent. Il rie manquait à ce recueil que d’avoir commencé avec la ré volution ; car s’il peut être utile de ne point négbger dans l’his toire des grands hommes celle de leur enfance, c’est dans l’histoire des révolutions surtout qu’il importe de ne rien omettre de ce qui tend à faire connaître leurs premiers mouvemens, leurs causes, les symptômes qui les annoncèrent, et à nous initier, en quelque sorte dans les mystères de la génération de ces importans phéno mènes qui ont en naissant la force de tout détruire. Tel est le mo tif qui nous a déterminés à donner cette introduction au Moniteur ; et quoiqu’il ne fût question que d’un travail partiel, et dont les élémens sont depuis long-tems connus, il ne portait pas moins avec lui la grande difficulté attachée à l’entreprise de tout écri vain qui voudra , au sein d’une révolution , en tracer l’histoire , cette difficulté que définit un auteur célèbre lorsqu’il dit, « qu’un historien ne doit avoir ni religion ni Patrie. » Certes nous ne pûmes oublie.* notre Patrie, lorsque nous avions à décrire son triomphe. L’esprit essentiel de la religion de tout homme de bien a dû encore moins nous abandonner lorsque nous cherchions à élever quelques monumens à l’histoire ; cet esprit est l’amour de la.'rérité, l’amour des hommes , et ces deux idées ren ferment toute la morale de l’historien. Pour atteindre autant qu’il était désirable , ce caractère d’impartialitié , qui regarde le vrai seul comme utile , et sur lequel nous voulions fonder le seul mérite de cet ouvrage, nous avons dû nous défier souvent de notre propre jugement ; c’est celui des écrivains les plus accrédités que nous avons consulté dans tous nos récits , et ce sont leur expressions que nous avons conservées lorsqu’elles nous ont paru propres à rappeller l’esprit du tems dans lequel ils ont écrit. Nous devions même ne pas nous en rapporter toujours à leurs interprétations , lorsque nous avions à parler des faits principaux sur lesquels sera basé le jugement que l’Europe impartiale et la postérité porteront de la révolution française : aussi, pour mettre le lecteur à même de réformer leur jugement et le nôtre, avonsnous eu soin de rapporter sur toutes les circonstances importantes , les pièces authentiques qui peuvent servir à les caractériser. Nous avons pensé qu’un tel recueil, s’il peut intéresser les Fran çais , en leur rappellant les souvenirs dont doit se composer leur expérience et leur orgueil national, pourrait piquer plus encore la curiosité des étrangers auprès desquels les ennemis de cette révo lution l’ont si odieusement calomniée par leurs récits, pendant que l’interruption de toute relation entre eux et nous , ne leur permet tait pas de la juger par eux - mêmes , mais qui vont sans doute...

À propos

Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.

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Données de classification
  • pisistrate
  • france
  • europe
  • suisse
  • hollande
  • amérique