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Gazette nationale ou le Moniteur universel, 16 juin 1829

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Gazette nationale ou le Moniteur universel
16 juin 1829


Extrait du journal

possesseurs , pris ensemble ou isolément , peuvent avoir à opposer pour leur défense. Vous faites les lois , vous ne les appliquez pas ; mais votre mission est de concourir à les éclaircir ou à les réformer. Indiquer les moyens par lesquels on doit parvenir à la réforme est un travail qui ne nous appartient pas ; la provoquer est peut-être un devoir. Une chose en démontre évidemment la nécessité, c’est que le système qu’il s’agit de confirmer , de* modifier ou d’abolir. est le sujet d’une controverse qui dure depuis plusieurs siècles. La stabilité des aliénations du domaine dépend de l'opinion qu’on peut se former sur son immutabilité. Autrefois on le tenait pour inaliénable ; c’était une maxime de droit public , aujourd’hui ce n’est plus qu’une ques tion d’économie politique. La diverse nature des biens qui sont entrés dans le domaine a amené une confusion dans les principes qui devaient les régir. On ne pouvait pas soumettre à une règle uniforme et générale des biens ruraux , de grandes forcis , des seigneuries qui donnaient une importance politique , des droits régaliens , des iinpôls , ou des choses qui sont à l’usage commun , comme des forte resses , des chemins , des rivières , des ports. Cepen dant le domaine se composait de tout cela. Des distinctions purement théoriques entre le domaine public et ce qu’on a appelé le domaine du prince, entre le grand et le petit domaine , sont venues com pliquer celle question. Voici, à vrai dire, à quoi elle se réduit, en dé pouillant les faits de tout ce que l’argumentation peut v ajouter , pour les présenter sous un jour favorable ou odieux. On a commencé par l’usage d’aliéner des parties du domaine, tantôt à titre gratuit, tantôt à litre onéreux. Il est impossible de douter que, dans ces libéral.tés et ces ventes, il n’y en ait eu de bien et de mal faites. Pour revenir sur ces lésions, ou pour se ménager de nouvelles ressources, on a imaginé de déclarer que le domaine était inaliénable, et, donnant à ce principe un effet rétroactif, on a révoqué les aliénations. Puis on a revendu les biens qu’on avait repris ; et cette opé ration , sans cesse recommencée depuis vingt-cinq rè gnes , a créé une nature de propriétés incertaines , dont l’Etat a reçu le prix dix fois , ou qui ont été dix (ois la matière des libéralités du prince, et que cependant les détenteurs actuels se voient contester, parce que leurs auteurs, dit-on, les ont obtenues par abus ou achetées à vil prix, ce qui peut être vrai. L'Administration proteste contre les abus, défend les intérêts de l’Etat ; elle fait son devoir. Les propriétaires défendent leurs possessions ; rien de plus naturel. La législation tend depuis un demi-siècle, depuis 1781, à faire cesser cette lutte entre l’intérêt public et les intérêts privés. On a cru y mettre un terme par une loi rendue il v a trente ans; mais cette loi n’a reçu qu'une exécution très-incomplète. Les conser vateurs des intérêts domaniaux n’ont pas dû laisser prescrire les droits de l’Etat. Ils ont pris les précau tions les plus générales, les plus étendues : leur zèle les a peut-être multipliées outre mesure ; et de là ces sommations innombrables qui, dans le courant du mois de mars dernier, ont couvert la France, inquiété une multitude de propriétaires , cl frappé d’uu caractère de défaveur qui les rend incommutables, une masse de propriétés. Comme nous sommes arrivés à l’époque où tous les litiges dont cet état de la législation est la source peuvent être définitivement déterminés ; comme des ré clamations s’élèvent contre une mesure qui tendrait à les faire revivre, j’ai pensé que vous me pardonne riez de vous présenter un exposé rapide de cette fâ cheuse controverse. » Ou a commencé par établir que le domaine public était inaliénable de sa nature. Pour apprécier cette proposition, il n’y a qu’à se mettre d’accord sur ce qu’ou doit entendre par domaine public. Si, par ce mot, 011 entend la souveraineté et l’exercice de l'au torité qui en dérive, le droit de percevoir des impôts, la conservation et l’entretien des choses, qui, comme les chemins, les fleuves , les ports, ne doivent être la propriété de personne, puisqu’elles sont nécessaire ment à l’usage de tous ; si, en un mot, on entend par domaine public ce qui n’est pas susceptible d’être une propriété privée, ce domaine public est inalié nable de sa nature, puisqu’il ne peut être possédé qu’au nom de l’Etat. S’il faut comprendre sous relie expression des choses qui , sans être de leur nature une propriété privée , peu vent cependant être administrées et entretenues par des particuliers, 011 11'aura pas de peine à citer des édifices publics, des églises, des forteresses possédés à titre privé ; des droits utiles de toute espèce, aliénés ou concé dés à des partiru Lis. Si enfin 011 arrive jusqu’à comprendre, sous la déno mination de domaine public, des immeubles que rien ne distingue des propriétés particulières , il n’est pas possible île croire que ces immeubles sont inaliénables de leur nature, et, pour soutenir le principe de leur inviolabilité , il faut le chercher dans les lois positives. Mais la loi a beau être souveraine ; c’est une puis sance qui a ses limites dans la Wature et dans la raisou. Elle ne saurait établir un fait si la vérité le désavoue . ni consacrer un principe contre lequel la justice vient réclamer. S’il est vrai qu’on lui ait fait dire, le do maine est inaliénable , essentiellement, sans restriction , à perpétuité, la loi elle-même doit être jugée. Si elle s’est bornée à interdire au prince la faculté de se des saisir de cette nalure de biens, il faut , pour appré cier cette prohibition, se rendre raisou des circons tances qui l’ont amenée. Le domaine, a-t-on dit, est inaliénable de sa nature. Oui , s’il s’agit de ce qui constitue l’autorité souveraine ou des choses qui nécessairement sont la propriété de tous ; non , s’il s’agit de biens réels susceptibles d’être possédés à titre privé , et qui, par cette raison, ne peu vent être frappés d’immutabilité. Le domaine du prince est inaliénable : non, si le prince en est personnellement le propriétaire. La jus tice ne veut pas qu’on lui interdise le droit de disposer de ce qui appartient en propre à lui seul....

À propos

Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.

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