Extrait du journal

Alger, 1S leplembre 1860. L Empereur et l'Impératrice ont posé ce matin la première pierre du magniiiquc boulevard qui va longer la mer et, en dotant la ville d’une pro menade depuis longtemps désirée, créer une artère industrielle d’un grand avenir. Celle belle voie va prendre le nom de boulevard de l’Impératrice. La bénédiction a été donnée avec une grande pompe religieuse par M,r Pavv, évêque d'Alger, assisté de son clergé.* Un concours immense de population française et indigène, avide de contempler les traits de l'Em pereur et de l’Impératrice, donnait à cette cérémo nie un caractère aussi émouvant que pittoresque. Dans la journée, Leurs Majestés se sont rendues sur l’Aracb, à l’entrée de la plaine de la Mitidja, pour assister à la plus grande fête arabe qui puisse être donnée. Sous l'habile et ingénieuse direction du général Jusuf, des contingents de fantassins kabyles et de cavaliers des trois provinces, tous les nghas et caïds en tête, avaient été réunis pour venir rendre hommage à l'Empereur. Après un simulacre de combat de tribu à tribu ; après une fantasia de neuf à dix mille cavaliers se précipitant au triple galop et déchargeant leurs armes devant la tente de Leurs Majestés; après une charge magnifique de douze escadrons de spahis, traversant la plaine comme un ouragan ; après des joutes, après des chasses à la gazelle, à l’autruche et au faucon ; après le défilé des Touaregs, à la face voilée, montés sur leurs chameaux, et des Chambra, ces habitants des profondeurs du désert, convoyeurs futurs de notre commerce avec le Soudan ; après, enfin, le spectacle le plus splendide qui puisse être donné sur la terre d’Afrique, tous les gounis, formant une immense ligne de bataille, se sont rapprochés majestueusement, fusil haut, bannières déployées, de l’éminence sur laquelle était dressée la tente de l'Empereur. Alors les chefs, aux burnous éclatants, ont mis pied à terre et sont venus, tous ensemble, présen ter le cheval de Gaada tout caparaçonné a or, et faire acte de soumission au Souverain de la France. A ce moment, rendu solennel par la grandeur du théâtre, et par l’aspect guerrier de ces ennemis d'hier dont la longue résistance a glorilié nos armes, l’Empereur n a pu se défendre d’une émo tion visible. S. A. le bey de Tunis assistait à cette importante solennité....