Extrait du journal

Comment une telle ville ne changerait-elle pas d'impressions de minute en minute et ne serait-elle pas ondoyante et diverse ? Vous l'avez vue, ces jours-ci, passer du bal de l'Hôtel de Ville à la première représentation de la Dame de Monsoreau, de la fugue de Mme de X., cette exquise beauté à la Théo, aux cent cinquante millions donnés par le baron de Hirsch pour le relèvement matériel et moral de ses coreligionnaires de Russie, de Turquie et de Hongrie. C'est en mémoire de son fils unique, Lucien de Hirsch, enlevé en pleine jeunesse, l'an passé, à son affection, que le célèbre financier a fait ces libéralités sans précédent. J'espère que, d'après le proverbe : Qui donne aux pauvres, prête à Dieu, M. de Hirsch trouvera, un jour, dans un monde meilleur, la récompense de sa philanthropie magnifique ; en attendant, il en est déjà récompensé dans celui-ci par le décret de l'empereur François-Joseph qui l'appelle à siéger dans la Chambre des seigneurs d'Autriche. C'est là un fait aussi unique en son genre que l'acte charitable même qui l'a motivé et qui montre d'une façon éclatante les progrès de l'esprit de tolérance, à notre époque, même parmi les maisons souveraines qu'on croyait le plus fermées devant lui ! En un temps où il eût été s détaché des biens de ce monde, fr. de Hirsch aurait éprouvé une fière joie de son accession inespérable à la Chambre des seigneurs, car les titres et les dignités jouaient un grand rôle dans sa vie. Quèlque temps après qu'il eût été créé baron, il se trouvait en chemin de fer avec le prince Fugger, dix fois prince et dix fois comte, seigneur et reichsrath héréditaire du royaume de Bavière, magnat du royaume de Hongrie, que sais-je encore? Comme le train passait à travers une foret faisant lever de tous côtés le gibier effaré par la locomotive :...