Extrait du journal

Mais à l'intérieur de sa génération, Trarieux se séparait des groupements artificiels ; il fuyait les camaraderies adulatrices pour s'isoler et c'était chez lui moins excessif dédain qu'involontaire pudeur. Dans le monde des théâtres, où l'on se lie si vite, où l'on tutoie ,)son interlocuteur quand on ne se rappelle plus 6on nom, ce jeune homme raide, froid, sorte de Gaulois américanisé, n'avait pas su créer autour de lui cette atmosphère banale, amicale et veule qui fait un sort à chacun de vos mot» et prépare habilement une réputation. Quant à son œuvre, elle obligeait les gens à s'instruire des mythes anciens et des philosophes antiques, elle les forçait de s'intéresser à des problèmes présents, de réfléchir, de prendre parti. L'homme échappait, et l'on ne pouvait se reprendre à son œuvre. A se prolonger trop longtemps, de tels écarts, de telles rigueurs, risquent de faire perdre à un écrivain toute confiance- en soi ; le succès est nécessaire ; s'il vient trop tôt, il enlève en passant le goût de l'effort ; s'il vient trop tard, il ne trouve plus assez de jeunesse pour s'alimenter. Il est venu, pour Gabriel Trarieux, à l'heure juste....