PRÉCÉDENT

Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, 7 mai 1848

SUIVANT

URL invalide

Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement
7 mai 1848


Extrait du journal

REVUE DE LA SEMAINE. 0 t II ne tiendrait qu’à nous de tirer avantage de ce qui se passe, tne clameur presque universelle s’élève dans les journaux exal tés contre les résultats du suffrage universel. Qui l’a proclamé, le suffrage universel ? Qui en a fait un article de foi, une reli gion? Qui a déclaré que le droit de suffrage étaitjim droit aussi naturel que le droit de vivre et de respirer, un droit dont aucun citoyen ne pouvait être privé sans crime, quelle que fut sa po sition? On conviendra du moins que ce n’est pas nous ! Nous, au contraire, lorsque nous disions que l’éducation des masses, dans certaines parties de la France surtout, n’était pas assez avancée pour qu’on put appeler tout le monde à voter, ne nous accusait-on pas d’insulter le peuple? Ne soutenait-on pas que la justice et la raison sortiraient p'our ainsi dire toutes seules du suffrage universel ? Ne se déclarait-on pas prêt à accepter avec une soumission absolue la volonté nationale signifiée par le vote de tous ? Quel est donc ce changement subit ? Quelle est cette ma lédiction oui sort des bouches les plus démocratiques contre le principe fondamental de la démocratie ? A quel suffrage en appellera-t-on du suffrage universel ? A la force, à la dictature, tranchons le mot: à la tyrannie ? Hélas ! on nous donnerait rai son encore, et nous n’aurions été que trop bons prophètes ! Nous l’avons déjà dit et nous le répétons avec la sincérité la plus parfaite : le résultat des élections , il nous est impossible de l’apprécier , quant à nous. 11 y a dans les listes que nous publions tous les jours trop de noms que nous ne connaissons pas. Nos amis ont suivi, pour la plupart, le conseil que nous leur avions donné ; ils ne se sont pas présentés. Ce qui fait fré mir les démocrates exaltés, ce qui leur arrache presque un ana thème contre le suffrage universel, serait-ce la nomination d’une centaine de députés ayant appartenu à la gauche et à l’ancien centre-gauche ? On dit aussi qu’un nombre assez considérable de légitimistes ont été nommés. 11 fallait s’y attendre. Nous avions toujours prévu et prédit que ce serait un des résultats du suffrage universel. On s’accuse réciproquement de violence, de séduction, de fraude. Les journaux de départemens sont pleins .de récits qui nous affligent, mais ne nous étonnent pas. Dans les uns nous voyons que les membres des clubs démocratiques ont assiégé les routes pour arracher aux paysans les bulletins qu’ils apportaient, et leur faire accepter, de gré ou de force, des listes toutes différentes. Nous ne parlons pas des événemens déplora bles de Limoges. Là le vote a été étouffé ouvertement par l’in surrection. La Société populaire s’est emparée des procès-ver baux et les a lacérés. Dans les journaux démocrates, au con traire, on se plaint de l’influence des curés. On assure que des villages entiers ont suivi aveuglément le mot d’ordre du presby tère. Tout cela peut être vrai. Mais est-ce que tout cela n’est pas la conséquence nécessaire du suffrage universel ? Le peuple, dites-vous s’est laissé tromper ; il n’a pas compris ses véri tables intérêts : au lieu de nous réserver ses suffrages, à nous, ses seuls amis sincères, il les a donnés à des aristocrates et à des bourgeois. Nous n’avons pas eu le temps de l’éclairer. — Prenez garde ! le peuple n’est donc pas mûr pour le suffrage uni versel ? Sa volonté souveraine , quelle qu’elle soit, n’est donc pas la raison et la justice même ? Vous comprenez donc mieux ses intérêts qu’il ne les comprend lui-même ? il a donc besoin de tuteurs, et seulement vous voulez que ce* tuteurs, ce soit vous? Nous, nous restreignions le droit de suffrages par la loi; vous, nous voudriez le restreindre par la force, par l’insurrec tion , par la suprématie des clubs armés. Il en serait du suf frage universel comme il en a été de-tant d’autres libertés dans les mauvais jours de notre première révolution. On le procla merait et on le suspendrait jusqu’à nouvel ordre. En attendant, nous n’aurions plus même le droit de suffrage restreint ! Chose étrange ! Le parti qui se plaint et qui met déjà le doigt sur la détente de ses fusils est le maître depuis deux mois, le maître de tout. C’est sous son influence que les élections se sont faites. 11 a envoyé dans les départemens des commissaires înv^tis de pouvoirs illimités. Non-seulement les conseils muni cipaux , produit de l’élection, ont été dissous et remplacés, les maires destitués , les fonctionnaires amovibles congédiés, mais l’inamovibilité de la magistrature a été suspendue. Des’ju^es des conseillers, et des présidons de Cour d’appel ont été frappés.’ Tout notre système d’impôts a été remanié, et souvent, il serait difficile*de se faire illusion à cet égard , dans des intentions élec torales. La loi d’élection, c’est vous qui l’avez faite. C’est vous qui avez imaginé le vote par département. C’est encore vous qui avez voulu l’ajournement des élections, et on les a ajour nées. Maintenant, en vérité, si tout cela n’est pas assez, au lieu de menacer le pays de nouvelles violences qui entraîne raient de nouveaux désastres , nommez-vous vous-inême§. Cons tituez-vous en corps électoral avec le petit nombre de vos amis les plus dévoués, et représentez à vous tout seuls le suffrage universel. Encore n’est-il pas bien sur que dans ce petit nombre il ne se trouverait que des républicains de la veille ! La théorie du suffrage universel renversée, sur quoi reposera la démocratie? Sur la volonté de quelques hommes qui s’inves tiront eux-mêmes de la confiance populaire, et se sacreront tri buns ou dictateurs au lieu de se sacrer rois? D’abord si l’heure de l’émancipation des masses n’était pas venu, il ne fallait pas la devancer, cette heure. Et puis, quand viendra-t-elle ? Quand vous le jugerez à propos, quand vous serez sûrs d’être les maî tres absolus du vote, c’est-à-dire quand la nation n’aura plus le moindre sentiment de son indépendance et de sa liberté, étouffée qu’elle aura été sous une longue dictature ? Nous n’étiûns pas pour le suffrage universel ; non ! Nous en prévoyions les diffi cultés et les périls. Mais aujourd’hui que faire Remonter vers le suffrage restreint, revenir aux électeurs censitaires ! c’est im possible, nous le reconnaissons. Former un corps d’électeurs ré publicains comme nous avons une garde républicaine, et donner ce corps le droit exclusif de suffrages? La dérision serait trop sanglante. qü ne trompera plus ce pays-ci avec des mots. Il...

À propos

Fondé en 1819, Le Journal de la ville de Saint Quentin publie les annonces judiciaires de son département sans le concours du gouvernement. L’initiative porte ses fruits puisque la publication du journal demeure assurée jusqu’en 1914.

 
En savoir plus
Données de classification
  • crémieux
  • armand marrast
  • cormenin
  • dupont
  • lamartine
  • guinard
  • frémaux
  • billault
  • odilon barrot
  • renouard
  • paris
  • france
  • eure
  • corbon
  • rouen
  • val
  • indre
  • senard
  • allier
  • sarrans
  • la république
  • l'assemblée
  • assemblée nationale
  • vive la république
  • une république
  • dupont
  • école polytechnique