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Journal de Roanne, 8 mai 1892

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Journal de Roanne
8 mai 1892


Extrait du journal

Nous avons la manie des étiquettes. Celles qui ont actuellement cours ont beaucoup servi ; souvent elles ne désignent plus qu’imparfaitement une opinion politique. Les mots n’ont pas aujourd’hui la même signification qu’il y a dix ans. C’est pourquoi les statistiques des résultats des élections municipales publiées jusqu’à ce jour manquent absolument de pré cision. Les employés des sous-préfectures et du ministère s’obstinent à diviser les élus en deux partis bien tranchés : républicains, réaction naires. Or, il y a beaucoup de ces républicains qui sont modérés, beaucoup de ces réaction naires qui sont constitutionnels. Les élections municipales ne sont pas d’ailleurs des élections politiques ; on vote pour un candidat, dans les circonstances actuelles, non pas parce qu’il est pour telle ou telle forme de gouvernement, mais parce qu’il est ou qu’il n’est pas un homme de parti. Les hommes de parti, à ce qu’il semble, n’ont pas à se louer du scrutin de dimanche. Les violenis sont très généralement battus. Je re marque, sans étonnement, que la droite a perdu des municipalités surtout dans les régions où les polémiques ont été le plus passionnées ces derniers temps. Là où on a préché le plus la mort de « la gueuse », la république a eu le plus de succès. C’est une leçon nouvelle pour les intransigeants. Servira-t-elle Y II n’y a pas de leçon contre les préjugés... Les mésaven tures du boulangisme ont laissé dans bien des esprits un inextinguible dépit. D’autre part, les socialistes, les radicaux et les opportunistes sectaires — francs-maçons et vieux lutteurs — ont été aussi forts maltraités par le suffrage universel. Les socios perdent des municipalités ou arrivent dans de fort mauvaises conditions aux ballottages ; les radi caux ne comptent plus qu’en de rares endroits ; quant aux opportunistes, jadis dirigeants, quand leur propre parti ne les a pas lui-même rayés de ses listes, il s’est produit très généralement qu’ils sont arrivés beaux derniers. Le retour est très apparent vers les opinions moyennes. Les modérés peu à peu se rappro chent. En bien des communes déjà ils se « sentent du coude » ; Roanne, espérons-le, continuera à donner l’exemple de cette réconci liation si désirée. Il est clair comme le jour que la France est restée ce qu’elle était lors des élections de 1889. Pas plus qu’à celle époque, elle ne veut ren verser ce qui existe. Elle entend maintenir le régime actuel et repousse également ceux qui la menacent d’une révolution anarchique. Le pays est, incontestablement, pour une république modérée, libérale, pacifique et sagement progressive, assez forte pour contenir les partis et pour garantir l’ordre public. Les élections municipales, par leur multiplicité, ont cet avantage de faire connaître l’impression et les vœux des plus petites localités et c’est de leur ensemble que se forme et se constate la synthèse de l’opinion publique. Ce qui se dé gage de l’état d’esprit [qu’on a pu remarquer celte fois dans les moindres communes, c’est, d’une part, une protestation à peu près una nime contre les fauteurs de désordre et les faiseurs de politique, de l’autre, un ferme désir de stabilité. X La république, affermie encore par les élec tions municipales, reçoit aujourd'hui même l’appui de l’autorité morale la plus haute. Léon XIII, dans une nouvelle lettre adressée aux évêques de France, accentue encore, s’il est possible, la netteté et la franchise de ses conseils. Je me demande comment pourra s’y prendre cette fois la passion politique et le zèle des ultras pour embrouiller les déclarations du Pape et eu déduire des sophismes étroits ; mais, s’il reste des catholiques qui ne se soumettent pas à l’évidence, si le « schisme » annoncé se produit quelque part, ce sera à désespérer du bon sens d’une minorité brouillonne et décidé ment négligeable. Nous ne pourrons à notre grand regret pu blier tout entière la lettre de Sa Sainteté, mais quelques extraits suffiront aujourd’hui : « Quand, dans une société, il existe un pouvoir constitué et mis à l’œuvre, l’intérêt commun se trouve lié à ce pouvoir et Von doit pour cette raison l’accepter tel qu’il est. « C’est pour ces motifs et dans ce sens que Nous avons dit aux catholiques français : « Acceptez la république, c’est-à-dire le pou voir constitué et existant parmi vous ; respectez-le, soyez-lui soumis comme représentant le pouvoir venu de Dieu. » « Après avoir solidement établi dans Notre Encyclique cette vérité, Nous avons formulé la distinction entre le pouvoir politique et la législation, et Noua avons montré que l’accep tation de l’un n’impliquait nullement l’accepta tion de l’autre dans les points où le législateur, oublieux de sa mission, se mettrait en opposi tion avec la loi de Dieu et de l’Eglise ; et que tous le remarquent bien : déployer son activité et user de son influence pour amener les gou vernements à changer en bien des lois iniques...

À propos

Fondé en 1861 à Roanne sous le nom de Nouvel Écho de la Loire, l'hebdomadaire devient en 1864 le Journal de Roanne et revendique une ligne éditoriale « régional et patriote ». Toutefois, le journal collabore avec les Allemands sous l’Occupation et est en conséquence supprimé en 1944.

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