Extrait du journal

Alors, Madeleine et Marie-Josèphe portèrent la pauvre évanouie sur l’unique matelas. La petite fille s’était approchée, et baisait sa mère sur le front en disant : — Maman, maman, je t’ai défendue, je te défendrai encore. Sous les baisers de son enfant, l’ouvricre revint à elle. Madeleine la déshabillait pour panser ses blessures. Pauvre femme ! Tout son corps amaigri était couvert d* meurtrissures. Cette vue arra chait des larmes. Sur ces chairs tuméfiées, on voyait les coups de poing de l’homme imprimés tout vifs, ses coups de talon formant des taches livides. Quelle pitié que cette faiblesse de femme brodée par la force d’un homme, broyée parce que la mère courageuse avait voulu défendre l’obole destinée à l’achat du pain de son enfant. Lise aperçut le regard de compassion dont l’en veloppait Madeleine. Elle rougit, prise de honte pour la bête fauve qui l’avait ainsi martyrisée. Elle ramenait, sur son pauvre corps contusionné, un lambeau de drap, et répétait d’une voix encore haletante : — Oh! ce n’est rien, rien, je vous assure. Demain il n’y paraîtra plus. Sorel avait perdu l’es prit. Il faut lui pardonner. Il n'est pas toujours ainsi... Il est bon, je vous assure... il nous aime., c’est la boisson qui lui a pris son cœur. Puis elle ne parla plus. Son expression de vis; ge était résignée, songeuse; ses lèvres demeuraient closes. Une prière intérieure soulevait sa poitrine, et rendait humide le regard qu’elle portait vers le ciel ! Que! exemple donnait cett'» pauvre créa ture souffrante et miséricordieuse. Madeleine lui apportait un verre d’eau sucrée,...