Extrait du journal

La Chambre siège, mais ses séances sont d’un vide absolu et d’une remarquable con fusion. Avant-hier, on a longuement disserté entre spécialistes sur les chemins de fer tuni siens. Après quoi on en savait à peu près autant qu’en abordant cette discussion, qu’on a dû clore par l’ordre du jour pur et simple. Il parait résulter de cet inutile débat que la Tunisie demande des chemins de fer et qu’elle a raison. Depuis dix ans, on la leurre de promesses. Elle réclame, elle fait bien. Il est malheureusement à craindre que l’intervention du Parlement n’avance pas d’un jour la réalisation de ses vœux légitimes. Dans la môme séance, le ministre de la jus tice a déposé un projet de loi modifiant la loi sur la presse. Les exploits des anarchistes ont démontré de retentissante façon que cette loi n’était pas, dans bien des cas, assez sévère. La loi de 1881 prévoit bien le cas de la provocation au meurtre, à l’incendie et à l’insurrection, mais elle ne vise pas la provocation au vol et à la destruction des propriétés : le projet nou veau comble cette lacune. Il édicte en outre des peines plus sévères contre : Les provocations adressées aux militaires pour les détourner de leurs devoirs, provoca tions déjà prévues et punies par l’article 25 de la loi de 1881. Enfin — et c’est là la nouveauté capitale de la loi proposée — elle autorise l'arrestation pré ventive des individus inculpés de provocation, la saisie et la suppression des écrits incrimi nés. La presse tout entière discute abondam ment sur ces réformes. Pour notre pari, nous les approuvons, sans commentaires, tout en regrettant que le gouvernement ail eu l’idée de viser, en même temps que la provocation aux crimes de droit commun, l’excitation aux crimes contre la sûreté de l’Etat. C’est de la politique cela. Et c’est une mala dresse d’intercaler de la politique dans une loi de sécurité sociale. Mais la discussion peut apporter au projet du gouvernement bien des changements. Inutile de discuter avant de les connaître. X Nous publions plus loin une partie du dis positif de la loi sur les Caisses d’épargne qui sera discutée à la Chambre aujourd’hui même. La loi nous parait bonne : elle offre aux dé posants des garanties sérieuses. Ce qui est mauvais, c’est qu’elle ait été rendue nécessaire. Le rôle des Caisses d’épargne a changé depuis quelques années, et par la faute du gouverne ment. Il est hors de doute que l’Etat a excité, sol licité l’épargne. Lesétablissements municipaux, créés en vue de permettre aux travailleurs de placer à un taux rémunérateur leurs écono mies, se sont transformés en autant de banques depuis que l’on a reculé jusqu’à 2.000 francs la limitation des versements. L’intérêt est plus fort que celui payé pour les remboursements à vue par les établissements de crédit. Les spé culateurs ont profité de l’aubaine naïvement offerte ; ils ont, pour peu que leur famille fût nombreuse, pu se constituer, par versement de 2.000 francs sur chaque tête, un capital dispo nible leur rapportant, en moyenne, 3 1/2 au lieu de 1 1/2. Les employés ont été transformés en déposants. En 1881, l’avoir des Caisses d’é...