Extrait du journal

La moitié des conseils généraux de France sera renouvelé dimanche. Jamais l’approche d’un événement évidemment fort important n’avait causé dans l’opinion moins d’émotion ni même moins de curiosité. Les temps sont bien changés 1 Comme nous l’expliquions il y a huit jours, nous arrivons — enfin ! — à comprendre que les élections au conseil général n’ont pas de signification politique. Dès lors, à quoi bon se passionner ? Et, loin de se passionner, l’opinion parait se désintéresser tout à fait du résultat des élec tions. Il y a même, dans certains cantons, tous les symptômes d’un excès d’indifférence dont nous avons indiqué les causes : le découragement des anciens partis, le manque d’organisation des libéraux, les timidités, en un mot, « insé parables d’un premier début. » Puis là aussi le boulangisme a laissé sa trace. Souvenez-vous de 1889. Les lieutenants du pseudo-dictateur avaient imaginé que les élections aux conseils généraux seraient une façon d’introduction au grand « plébiscite ». Elles furent plutôt le commencement de la déroute. La république remporta en cette occasion, contre l’adversaire qui l’avait fait trembler, son premier avantage. A l’heure qu’il est, la situa tion n’est plus la même. Nos institutions sont non seulement hors de toute atteinte, mais en core elles ne cessent de recruter chaque jour des adhérents parmi les catholiques et un grand nombre de conservateurs, lesquels n’ont pas hésité à se conformer aux sages et patrio tiques instructions de Léon XIII. 11 est donc permis d'affirmer que la consul tation électorale qui se prépare sera tout à fait pacifique ou, si l’on préfère, ne soulèvera au cune passion. Ce n’est pas, répétons-le, qu’il faille l’accueillir avec indifférence. Pour le parti libéral en particulier, le scrutin du 31 juillet a de l’importance. Dès à présent nous sommes sûrs que les idées qui nous sont chères feront de nouveaux progrès dans cette prochaine consultation du suffrage univerel. On leur rend par avance un hommage ca ractéristique : chaque candidat s’en réclame. Tous libéraux ! Il ne faut pas attacher trop d’importance aux professions de foi, mais c’est là en tout cas une preuve éclatante de la pro pagation rapide des idées modérées dans le corps électoral. D’autre part, ces élections auront un autre résultat : elles marqueront définitivement la limite de séparation entre les partisans des an ciens partis et les partisans de la république. Il importe que devant l’opinion cette classi fication s’établisse d’une façon nette et claire. Eh bien ! nous verrons combien de candidats se réclameront de la monarchie — comme leur chef leur en donne le conseil. Constatons en attendant que beaucoup sont par avance absolument découragés et ont même déjà pris la résolution de s’effacer, tandis que d’autres se sont bravement ci nettement ralliés aux institutions actuelles. S’il y a, au surplus, un terrain qui permette aux conservateurs éclairés et raisonnables d’ac cepter le fait accompli, c’est bien celui des élections dont nous parlons, puisqu’elles n’ont surtout en vue que la représentation des inté rêts départementaux. La politique proprement dite, encore une fois,...