Extrait du journal

Organisons nos débouchés La crise agricole provoquée en gran de partie par la dépression du marché du blé reste toujours très inquiétante, car malgré la récolte abondante, les cultivateurs ne retireront pas de leurs efforts le maximum de bénéfices qu’ils en attendaient. Cette dernière circons tance est assez grave en elle-même parce qu’elle peut inciter à produire moins dans le but de maintenir les prix élevés, ce qui serait une erreur fondamentale. En effet, ce n’est pas parce que la récolte a été trop belle que les cours ont baissé sur les marchés français. C’est parce que, surtout, on était habi tué à considérer la récolte française comme normalement déficitaire et que les débouchés de l’excédent de celle dernière récolte n’étaient pas organi sés. Bien plus, on avait prévu, comme d'habi'ude, des difficultés de soudure et les importateurs de blé avaient pré paré des approvisionnements qui ont pesé sur le marché. D’ailleurs, les cours du blé ne sont pas régis par la production agricole française et les récoltes déficitaires mêmes finissent par se traduire appro ximativement à la parité des cours mondiaux. Il ne faut pas oublier non plus que le travail, les dépenses et les efforts de toutes sortes, sont à peu près les mê mes pour le cultivateur, quand la ré colte est bonne ou quand elle est mau vaise. Les recettes de l’agriculture sont faites de deux facteurs : le prix et la quantité. Le facteur prix échappant totalement à son influence, le facteur production est le seul qui puisse vrai ment compter. Il faut donc avant tout, qu’ainsi que dans toutes entreprises industrielles, le prix de revient du blé soit abaissé. Ceci ne peut être obtenu que par l’accroissement du rendement à l’hectare. Bien qu’il soit à souhaiter que des récoltes aussi riches que la dernière soient souvent enregistrées, — car alors une organisation économique en assurerait les débouchés et aucune crise ne serait à redouter, — on peut être un peu sceptique sur la répétition régulière d’une telle abondance. Ce n’est pas en diminuant le rende ment à l’hectare par le mépris de l’em ploi des méthodes modernes de cultu res, que les cultivateurs connaîtront la prospérité financière. C’est, au contraire, en continuant à cultiver leurs champs avec tous les moyens que la science et l'industrie leur donnent qu’ils arriveront à obtenir des rendements leur permettant, dans un avenir plus ou moins proche, une exportation dont les débouchés seront organisés pour leur plus grand profit. Car il ne manque pas dans le monde de pays où les populations ne mangent pas à leur faim. Les facultés mêmes de commerce extérieur résident précisément dans l'abaissement du prix de revient, et, pour abaisser ces prix de revient, il faut employer beaucoup d'engrais et des engrais à bon marché. Le prix de revient des engrais ne pourra lui-mê me baisser que si l’on en emploie beaucoup, car les fabrications indus trielles ne peuvent se développer d’une manière véritablement avantageuse que si elles sont assurées de débouchés suffisants. Tout se tient, et ce serait une erreur profonde de croire qu’il est de l’intérêt d’un producteur, quel qu’il soit, agri cole ou industriel, de maintenir des prix élevés pour une production ré duite, alors que l’expérience prouve indubitablement que c'est le contraire qui est vrai. J.-H. Lucas,...