Extrait du journal

SUR LES ADIEUX. {Suite et fut. ) C’est en voyage surtout que l’on est sensible à cette différence des adieux du malin et des adieux du soir. Partir à l’aurore, ce n’est pas quitter, c’est aller trouver. Quels regrets pourrait-on laisser au pays qu’on abandonne, fût-il celle contrée de Gul liver où les ruisseaux étaient de lait sucré, les arbres de fruits confits, et les montagnes de chocolat, quand tout nous invite à parcourir l’espace ? L’oiseau qui chante, nous rappelle à travers les forêts, les bleus horizons nous attirent vers des contrées nouvelles. Voyager, c'est vivre! s’écrie-t-on, et l’on part en secouant la poudre de ses pieds sur le pays qu’on abandonne, Mais les départs du soir ont une autre physio nomie, et ne laissent jamais de répandre, dans le cœur impressionnable du touriste, une teinte de mé lancolie et de regrets. On fait malgré ses vingt ans, des réflexions philosophiques que les teintes douces et harmonieuses du soleil couchant, que la vapeur azurée s’élevant des vallées ombreuses, que le bruit indéfinissable de la nature qui s’assoupit, rendent encore plus larmoyantes. Ainsi, se dit-on, la vie n’est qu’une suite d’adieux, une suite de regrets. On jouit moins de ce qu’on trouve qu'on ne souffre de ce qu’on quitte. On ne commence même souvent à se douter de la valeur des objets qu’alors qu’ils...