Extrait du journal

foin du râtelier, 011 eût dit qu'ils allaient entrer. Je pensais à l'étable lointaine de Bethléem. Et, dans leurs yeux, je voyais le reflet du feu qui flambait pour nous. Mais tout change dès que commence le marais. Au-dessous de Gareil, juste ment, là où l'effort du flux, à cause de la distance et des pentes ne se fait pas sen tir tous les jours, ni toutes les semaines, les derniers carreaux de ce prodigieux échiquier sont à demi envahis par une herbe palustre, verte et frangée de rouge. Des tamaris, de loin en loin, ont poussé sur les levées abandonnées. Bien tôt ils disparaissent. On peut, sans trou ver d'ombre, errer pendant des heures au milieu des étiers qui amènent l'eau, des vasières où elle s'amasse, des cobiers où elle s'échauffe et devient lourde de sel. Pas un arbuste, pas une maison ne rompent l'uniformité de ces mailles de terre grise autour des eaux dormantes. Rien ne s'élève, que des meulons de sel blanc, au croisement des sentiers. Ils pointent, fins comme des tentes, posés presque régulièrement, à travers l'é norme étendue. On s'avance, et la brise fraîchit. On marche encore, et l'on dé couvre le Grand Trait, la lagune aux abords de sable que la marée emplit ou vide sans cesse, et l'horizon s'élargit, et l'on commence à voir, entre la tour du Croisic et la pointe de Pen-bron, le liseré d'écume annonçant la haute mer. C'est un paysage d'une fine et rare tristesse, un des points de nos côtes où l'on pourrait le mieux étudier le poème...