Extrait du journal

Dans les rues élégantes, des files inter minables s'alignaient devant les portes des marchands de comestibles, et des confi series. Berlin est accoutumé dès longtemps à cette sorte de spectacle ; mais, au lieu des ménagères en fichus, portant au bras un panier de cuisine, qu'on voit dans les quartiers populaires assiéger les boutiques où le pain et le beurre se délivrent en échange d'une carte, c'étaient ici des mes sieurs en chapeau haut de forme, des da mes en fourrure de renard ou de zibeline. Pareil aux prévoyantes fourmis qui amas sent du grain pour l'hiver et la disette, tout ce beau monde venait chercher du choco lat. On attendait une heure, une heure et demie, deux heures sous l'œil d'un sergent, de ville qui contenait la foule et, toutes les cinq minutes, ouvrait à un petit groupe l'accès de la terre promise. Le premier jour, les clients emportèrent une livre de la précieuse denrée ; le se cond, ils reçurent la moitié d'une livre ; à partir du troisième, chaque personne n'ob tint plus qu'une tablette ji la fois. Puis arriva le moment où, après avoir fait la queue une journée entière souslapluie et le vent, les amateurs virent se déployer en travers des vitrines cette affiche déso lante : « On ne vend plus de chocolat. » Celui qu'on buvait à la tasse dans les confiseries devenait sans cesse plus pâle et plus débile ; les marchands avaient fait tout ce qui était en eux pour prolonger la durée de leurs réserves et des ressources de l'Etat ; non contents d'abaisser la te neur de ce breuvage, ils en avaient relevé le tarif dans la même proportion ; mais ni leur économie, ni leur patriotisme n'avaient suffi à conjurer la crise. Le 4 décembre au matin, un arrêté du Bundesrath dut pré venir Je public que la vente du chocolat et celle du cacao seraient désormais inter dites....