Extrait du journal

« Nous avons un grand défaut, a dit avant hier M. Martin Nadaud àla tribune : nous commençons des travaux partout et nous n'en finissons nulle part. » Pour que l'hono rable député se plaigne du trop grand nombre de chantiers ouverts, il faut, certes, que le mal soit bien grave et bien général. Tous les orateurs qui ont pris part à la discussion des travaux publics sont arrivés à la même conclusion. Tous ont reconnu qu'on avait eu le tort d'éparpiller les ressources du budget sur cent points à la fois, au lieu de les concen trer sur un ou deux points déterminés. Le système adopté pour la reconstruction des ports a donné lieu surtout à de très vives cri tiques que M. Raynal, malgré son talent, n'a pu entièrement réfuter. Non seulement on a commis la faute de consacrer plusieurs millions à l'amélioration de petits ports qui, depuis la transformation de la marine marchande, n'ont plus aucune utilité, mais, faute de direction ou de surveil lance, des sommes immenses ont été stérile ment sacrifiées dans les ports qui sont ap pelés à prendre une réelle importance. Un dé puté a affirmé qu'à Dunkerque « les ouvrages » à peine terminés sont absolument perdus, » que les quais n'existent plus, que tout s'est » effondré... que 40 millions ont été ainsi en » traînés dans la mer ». Plus loin, le même orateur constate qu'à Saint-Malo c< on a perdu » 27 millions qui se sont iondus dans lamer». Le public n'ignorait pas les nombreux échecs éprouvés dans les ports de Dunkerque et de Saint-Malo, mais il était loin de se douter que 67 millions avaient été ainsi engloutis, et qu'il faudra dépenser une somme égale, et peut-être supérieure, pour remettre les choses en état. Peut-être ces chiffres ont-ils été exa gérés, et le désastre est-il moins grand qu'on ne le dit. Il serait bon, dans l'intérêt des ingénieurs qui ont dirigé ces grands travaux et des entrepreneurs qui les ont exécutés, que le gouverennient fit un peu de lumière sur ce point et établit la part des responsabilités. Au point de vue économique et commercial, les résultats donnés par la transformation de nos ports ont-ils été en raison des sacrifices qui atteignent près de 400 millions? Sur ce point, les avis différent, et l'honorable M. Ray nal a gardé une prudente réserve. Il a cité des chiffres qui prouvent que le ti rant d'eau de nos principaux ports a beau coup augmenté, ainsi que la superficie des quais et dos chaussées de débarquement ; mais il s'est abstenu de donner la statistique des entrées et des sorties qui, dans plusieurs ports, estrestée stationnaire, et qui, dans d'au tres, a légèrement diminué. Dans tous les cas, un fait est certain : c'qst que dans les ports étran gers, où, comme à Anvers, de grandes dé penses ont été faites avec suite et méthode, la prospérité a suivi une progression presque...