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Journal des débats politiques et littéraires, 10 août 1899

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Journal des débats politiques et littéraires
10 août 1899


Extrait du journal

Quelques-uns de nos confrères parlent du dossier secret de l'affaire Dreyfus comme s'ils le connaissaient ; ils en causent entre eux avec des airs d'intelligence, et ils paraissent se com prendre parfaitement, un peu à la manière de ces docteurs de Rabelais qui .s'expliquaient par une pantomime hors de la portée du vulgaire. Ils négligent en effet, et peut-être est-ce pru dence de leur part, de se rendre intelligibles au modeste lecteur. Ignorant, quant à nous, ce que contient le dossier secret, soit militaire, soit diplomatique, il nous est également im possible de partager la confiance qu'il inspire aux uns et la défiance qu'il cause aux autres, et nous restons à son sujet dans le doute phi losophique, ou, si l'on veut, dans une demi-in crédulité. Il serait surprenant que ce dossier contînt des révélations terrifiantes, et que la Cour de cassation, qui l'a connu, en eût tenu si peu de compte ; mais il ne le serait pas moins qu'on en fit un si grand mystère s'il ne conte naitabsolumentriendu tout. Peut-être ledossier secret se distingue-t-il du dossier public beau coup plus par la nature spéciale que par l'im portance des pièces qu'il contient. Peut-être ne pronve-t-il rien de plus, ni rien de moins que l'autre dossier, et laisse-t-il, lorsqu'on l'a lu, la question en l'état. Peut-être les documents dont il est formé se rattachent-ils à des personnes ou à des intrigues dont il vaut mieux ne pas parler tout haut, sans modifier d'ailleurs l'as pect général de l'Affaire. Mais nous n'en savons rien, et c'est de notre part pure hypothèse. Le Conseil de guerre seul, lorsqu'il aura tout vu et tout médité, pourra se prononcer en connais sance de cause. Il complétera le dossier secret parle dossier public, et réciproquement; alors seulement il pourra juger de la valeur de tou tes ces pièces et de la force probante qu'elles acquièrent les unes par les autres. Il faut, pour avoir le droit d'exprimer une opinion, les avoir examinées d'abord en détail, puis dans leurs rapports entre elles, enfin dans leur ensemble ; n'ayant pas pu le faire, nous n'avons aucune opinion à exprimer. On fait remarquer que, au moment du pro cès de 1894, le dossier secret n'existait pas, ou qu'il se réduisait à très peu de chose. Depuis, il s'est enflé démesurément et a atteint de telles proportions que quatre jours suffisent à peine pour en prendre connaissance. Cela est vrai ; mais qu'est-ce que cela prouve ? La constata tion peut avoir un intérêt anecdotique, nous dirons même historique, pour faire plaisir à ceux qui la font: nous cherchons en vain quelle conséquence il leur est permis d'en tirer. C'est, disent-ils, que, par un renversement de toutes les règles, les preuves, ou les préten dues preuves de la culpabilité de Dreyfus ne sont venues qu'après sa condamnation. Et ils s'en indignent ! Leur indignation se comprenait hier; elle ne se comprend plus aujourd'hui. Aussi longtemps qu'on a accablé Dreyfus du poids de ces preuves nouvelles, peu ou mal connues, et sur lesquelles ni lui, ni ses défen seurs n'avaient pu s'expliquer, les réserves...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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