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Journal des débats politiques et littéraires, 11 septembre 1916

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Journal des débats politiques et littéraires
11 septembre 1916


Extrait du journal

Nous célébrons aujourd'hui le second anniversaire de la victoire de la Marne. Le Bulletin du généralissime constatant la « retraite générale » de l'ennemi est du 12 septembre au soir, et dès la veille il , avait lancé son ordre du jour à l'armée proclamant la « victoire incontestable et incontestée ». Cette victoire avait sauvé Paris, et quelque chose de plus. Les histo riens de l'avenir ne s'y tromperont pas. La victoire de la Marne restera dans la mémoire des hommes comme une de ces grandes dates qui jalonnent et honorent l'histoire de l'humanité. Elle rappellera une de ces heures critiques où le sort de la-civilisation s'est joué comme sur un coup de dé. Ce n'est pas une de ces vic toires glorieuses pour tel ou tel pays, •mais indifférentes ou même nuisibles à l'ensemble .de l'humanité, comme tous lés peuples en comptent plus ou moins dans leurs annales. Elle "répond à un idéal plus haut et plus large ; elle peut être et elle est déjà fêtée par d'autres que par la France et par les Alliés. La postérité la rapprochera éter nellement des journées de Salamine, des Champs Gatalauniques, de Poitiers, c'est à-dire des victoires qui ont, à une épo que donnée, sauvé le fond de la commune civilisation. Salamine a préservé la civi lisation hellénique, mère de la civilisation moderne ; aux Champs Catalauniques, les débris encore imposants et bienfaisants de la culture gallo-romaine ont échappé au sabot du cheval d'Attila sous les traces duquel l'herbe même ne repoussait pas ; à Poitiers les destins de la chrétienté ont échappé au plus hasardeux des sauts dans l'inconnu. De même la bataille de la Marne, sur les lieux mêmes qui avaient vu la défaite des Huns, a brisé l'élan de leurs scientifiques successeurs et garanti l'hu manité contre un retour avilissant au règne de la force. Ce n'était pas Paris, ce n'était pas seulement la France dont le sort était dans la balance. Osons dire la vérité : comment nos alliés auraient-ils eu le temps de préparer leurs moyens d'action et de les mettre en œuvre sans ce solennel et formidable point d'arrêt im posé à la marche torrentielle de l'envahis seur ? Plus le temps s'écoule et plus grandit le rôle de cette bataille de la Marne, sans la quelle tout le reste eût été impossible. En ce sens, on peut dire qu'elle seule a donné jusqu'ici un résultat définitif, un résultat que rién depuis n'a pu compromettre ni entamer. Les efforts les plus désespérés de l'ennemi n'ont jamais pu rétablir la si tuation perdue par lui en cette tragique semaine du début de septembre 1914. La marée n'a plus remonté. Les Allemands fêtaient depuis quarante-quatre ans la ca- i pitulation de Sedan. Il n'est pas dans nqs traditions de faire de nos victoires des l'êtes nationales. Nous n'envions pas aux parvenus de l'histoire ce besoin collectif d'orgueil hypertrophié. Quand nous rappelons la victoire de la Marne, nous ne cédons pas à un accès d'égoïste et vaine gloriole, avec accompagnement de cuivres, de drapeaux et de lampions. Ce que nous avons en vue, ce que nous nous plaisons à évoquer, c'est un succès dont le monde entier a profité, dont le droit a été le bénéficiaire, dont la vieille civilisation humaine et idéaliste recueillera les fruits. Les Américains, en célébrant ces jours-ci l'anniversaire de la naissance de La Fayette, le défenseur de la liberté, ont tous eu la pensée de ren dre hommage à la victoire de la Marne et au caractère moral qui la distingue. Et c'est la même idée qu'exprime l'historien , Ferrero, en la considéant comme « le triomphe du spiritualisme sur le maté rialisme ». Y a-t-il présomption de notre part à dire après cela qu'elle figurera dans l'histoire au nombre des journées libératrices qui ont affranchi l'humanité d'un cauchemar ou d'un servage ? Au point de vue militaire, la bataille de...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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