Extrait du journal

M. Henry de Varigny, à la fin d'un de ces articles où il nous apprend si bien tant de choses, a signalé dernièrement un livre que je viens de lire avec beaucoup d'in térêt, et non sans un peu de mélancolie. C'est celui où M. Maurice d'Ocagne nous parle des savants et de la science avec l'autorité de quelqu'un qui conçoit parfai tement toutes les questions dont il nous entretient, et avec la politesse d'un savant qui est .. aussi un homme cultivé .et qui ménage notre ignorance (1). L'intérêt que j'ai trouvé dans la lecture de cet ouvrage s'explique suffisamment par les qualités que l'auteur y a mises ; aisance, clarté, jugement, érudition. Quant à ma mélancolie, elle vient d'une autre cause : c'est que M. d'Ocagne me fait très nettement apercevoir des mondes de savoir et de pensée où je sais que je n'entrerai jamais. Faut-il donc ignorer tant de choses? Oui, sans doute. Car si ce n'étaient pas nos aptitudes par ticulières qui ne nous rendent propres qq'à un certain genre dg .travaux, lé seul défaut de téipps suffirait à nous y borner. La vie n'est pas proportionnée à la longueur de l'étude. Il n'y a que les hâbleurs qui trou vent le temps de connaître tout. Nous n'entrerons donc point dans ce monde des hautes sciences, étincelant et clos dans ses •remparts de cristal. Le sentiment de ces privations ne va pas sans une vraie souf france : tout savoir serait encore si peu de chose qu'il est bien dur de ne pas tout savoir. Cependant il n'est pas indifférent de regarder, même du dehors, ces royau mes interdits; ainsi, des plaines ou des vallons, il est beau de contempler, dans leur splendeur gelée, supérieurs et étran gers à la terre, le mont Blanc ou le mont Rose. Non pas qu'il faille, selon nous, chercher à se donner une idée générale des spéculations qui reposent sur des con naissances scientifiques qu'on ne possède...