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Journal des débats politiques et littéraires, 16 avril 1895

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Journal des débats politiques et littéraires
16 avril 1895


Extrait du journal

La réforme du Code d'instruction cri minelle dont le Parlement est censé s'oc cuper, depuis une quinzaine d'années, était en réalité bien négligée, lorsque certains événements judiciaires ont tout à coup appelé l'attention de la presse sur les imperfections du Code de 1808. Depuis _ lors il ne s'est guère passé de jour où un, sinon plusieurs articles de journaux, n'aient été consacrés à cette importante question. On a beaucoup insisté sur les abus de la détention préventive ; on s'est fort étendu sur l'omnipotence des juges d'instruction; on a dénoncé les mysté rieuses iniquités et procédures secrètes; on a réclamé avec une énergie extrême ! cette réforme attendue, préparée depuis ! quinze ans et à laquelle on ne son-' géait plus. Cette ardeur réformatrice S'est communiqué de la presse au Parle ment, et c'est maintenant une émulation entre la Chambre et le Sénat. Députés et sénateurs semblent se disputer le prix de la course. M. Constans, du Sénat, est parti le premier. M. Couchard, de la Chambre des Députés, s'est mis aussitôt en devoir de le rattraper. Ils n'ont ni l'un ni l'autre la prétention de faire aboutir une réforme générale du Code d'instruc tion criminelle. Ils vont au plus pressé, et se contentent d'une réforme partielle. Qu'on rende l'instruction contradictoire, que l'on admette d'une manière plus ou moins large l'assistance d'avocats aux v actes de l'information, et pour le moment ils s'estimeront satisfaits : ils croiront avoié remédié aux principaux-abus dont la presse s'est émue tout récemment. Poser de nouveau la question de l'in struction contradictoire, c'est revenir à une très ancienne question. Quand on a longuement discuté au Sénat le projet sur l'instruction criminelle, que plusieurs législatures consécutives ont laissé tom ber dans l'oubli, c'est précisément ce chapitre qui a donné lieu aux débats les plus étendus, et, si M. Constans et M. Cou chard n'ignorent rien de ce que l'on peut dire en faveur de l'instruction contradic toire, ils savent aussi admirablement toutes les objections qu'on y peut faire. Supprimer, dès le début de l'instruction, le tête à tête du juge avec l'inculpé, ad mettre dans le cabinet du magistrat in structeur des avocats qui assisteront, soit aux interrogatoires, comme le demande M, Constans, soit même à l'audition des témoins ou aux confrontations comme le propose M. Couchard, c'est une innova tion qui, au premier abord, semble très libérale et très équitable. Si l'on regarde d'un peu plus près, on est moins con vaincu du mérité d'une pareille réforme. Il y en aurait une plus hardie et peut être moins dangereuse à tenter. Rendre ('instruction à la fois publique et contra dictoire, c'est le système anglais. On en peut juger par l'expérience qui en est faite chaque jour de l'autre côté du détroit. On peut admettre ou contester que ce système soit préférable au nôtre.Quoi qu'il en soit, c'est un système, le système des portes ouvertes et du débat au grand jour entre celui qui accuse et celui qui est accusé. Mais ce n'est pas cela que l'on nous propose. On nous offre un mélange assez singulier d'instruction secrète et de débat contradictoire. Ce n'est pas à la barre, en présence du public, que les avocats seront admis à exercer leur ministère; dès le début d'une poursuite criminelle, on leur ouvre la porte du cabinet du juge d'instruction. Elle se referme sur eux. Voilà l'avocat en tiers entre l'inculpé et le juge, et entre ces trois personnes s'en gage un débat contradictoire, dont il est difficile de déterminer la nature et de fixer les bornes. L'avocat contrôlera et surveillera le juge d'instruction, mais qui contrôlera, et surveillera l'avôcat? S'il s'élève des incidents et des conflits, com ment seront-ils tranchés ? Un magistrat sur son-tribunal, en au ■ dience publique, a bien des moyens de faire respecter son autorité : en peut-on ' dire autant d'un juge seul dans son ca binet avec son greffier, en présence d'un avocat et de son client? Il peut survenir des difficultés sur le sens d'une réponse, sur la rédaction d'un procès-verbal. Si l'avocat sort mécontent du cabinet du juge, s'il critique ce qui y a été fait ou dit, si, arrivé devant le tribu nal, il prétend que le juge a mal entendu ou mal compris, que les choses ne se sont pas passées comme il est constaté dans la procédure, qui ne voit que ce sera la source de contestations interminables et eeuvent insolubles ? Si l'instruction était publique en même temps que contradic-...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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