Extrait du journal

Il y a entre nous et le National une question de bonne foi très facile à vider. Nous prétendons que le National dénature volontairement depuis quinze jours le s'èns d'une phrase qu'il a empruntée à l'un de nos articles; le National soutient que c'est nous, au contraire, qui démentons nos propres paroles. Il ne s'agit que de citer cette phrase avec le pas sage où elle se trouve, dans notre Numéro du 2 octobre; la "voici textuellement : « Quand on parle d'une dot de trente millions « comme étant l'unique intérêt de cette affaire (du » mariage de M. le duc de Montpensier avec l'in » fante d'Espagne), on se moque du monde. On » rabaisse de dessein formé aux plus misérables » proportions une alliance dont on n'est si irrité » que parce qu'on en sent la grandeur. Mais on se » moque aussi du monde quand on parle de guerre » de succession, d'envahissement de l'Espagne, » de projets ambitieux sur une couronne qui res » tera toujours séparée de la couronne de France. » Le mariage d'un prince français avec l'infante » d'Espagne n'est ni si 'jpetit ni si grand. Il ne » change rien, il maintient ce qui est. » On peut voir si ces dernières paroles, qui sont celles que le National répète avec affectation depuis quinze jours, s'appliquent aux affaires intérieures de l'Espagne, comme ce journal le prétend, ou à l'équilibre de l'Europe, comme nous l'ayons dit hier. Nous ajoutions pour plus de clarté dans le même article : « L'Espagne ne sera pas moins in » dépendante après le mariage de M. le duc de Mont » pensier, qu'elle ne l'était avant, et l'on peut d'ail » leurs s'en fier à ce noble pays pour repousser «tout ce qui blesserait les droits de son honneur. » Seulement un sang étranger ne prendra pas place » sur le trône des descendons de Philippe V. Yoilà la » dot de l'infante, et c'est apparemment cette dot-là » qu'on envie à la France. » La question de bonne foi nous paraît suffisam ment résolue. Nous n'userons pas de revanche en vers le National. Ce journal cherche à expliquer aujourd'hui l'étrange rôle qu'il joue depuis qu'il est question des mariages espagnols ; nous citerons ses propres paroles. On a cru que le National pre nait parti pour l'Angleterre : quelle erreur ! C'est le gouvernement français qui, par ce fatal mariage du duc de Montpensier, sert tous les desseins de l'ambition anglaise sur l'Espagne : on a pu s'en apercevoir à la manière dont les journaux anglais ont accueilli ce mariage! Quant au National, malgré les éloges qu'il h reçus du Times et du Morning-Chronicle, il défendait pied à pied l'influence française compromise par l'union d'un prince de France avec l'infante d'Espagne. Grâce à lui (nous citons), les révolution naires espagnols resteront convaincus que la dynastie n'est pas la France, que les peuples peuvent demeurer unis par une communauté d'opinions, de senlimens, d'amour de la liberté, en dépit de ce que la politique de la réaction tente pour les séparer. Yoilà le service tout patriotique que le National nous a rendu. L'Angleterre sera bien attrapée. Au lieu d'avoir recours à elle, les révo lutionnaires espagnols se jetteront dans les bras du National, qui est la France, lui; el le jour où la république sera proclamée à Paris et à Madrid, il n'y aura plus de Pyrénées ! Quand on se berce de pareils rêves et qu'on les donne pour de la politique sérieuse, on a vraiment bien le droit de se moquer des mariages des princes, et de prendre en pitié les cadeaux de noce, les colifichets et les rubans !...