Extrait du journal

Nous recevons de Rome, en date ud 14- février, une lettre dont voici le résumé : Je ne saurais vous parler que du carnaval, car il n'est pas un Romain qui s'occupe en ce moment d'autre chose. Le carnaval domine et absorbe tout : il attire la population dans la rue et quelques dévots dans les églises ; il lient la police eu éveil et nos soldats sous les armes; il arrête le travail et paralyse les affaires. Il n'y a, pendant ces huit jours, que le Mont-dePiété et la loterie qui ouvrent boutique. C'est l'époque de l'année où ces deux établissemens reçoivent le plus de baïoques ou de guenilles. Cependant la politique, la grave politique, se môle aussi du carnaval. Tandis que le comité national romain invite les citoyens à s'abste nir de ces réjouissances, un autre comité dont l'existence ne s'était pas encore révélée stimule la noblesse romaine et l'excite à se rendre au Corso, en l'assurant que son apparition sera une preuve éclatante de courage civil. Le mode de transmission de ces deux sortes de circulaires mérite d'être signalé. Les im primés du comité italien circulent secrètement de ,main en main avec une rapidité surpre nante; une heure suffit pour que des milliers de Romains en aient connaissance. Les avis manuscrits de l'autre comité sont confiés à l'administration de la poste romaine, qui con naît, dit on, tout ce qu'elle porte, et celle-ci se charge complaisamment de leur distribution. Lequel de ces deux comités est le plus écouté? Je dois constater que c'est le premier. Quoique favorisé par un temps admirable, le carnaval n'est que l'ombre de lui-même. C'est le trei zième que je vois naître et mourir; je n'en ai point vu de plus triste. Le Corso est toujours en combré; mais si l'on consignait nos soldats, qui eu sont le plus bel ornement, et la populace, qui forme le plus grand nombre, il ne resterait pour ainsi dire personne. La noblesse romaine se montre à quelques balcons, et, pour faire preuve de fidélité et de dévouement au gou vernement, elle se résigue à recevoir des poi gnées de plâtre à la figure ;' mais elle ne sait ù qui envoyer ses bouquets aristocratiques. Les voitures sont très rares ; ce n'est plus par centaines, c'est par unités qu'il faut les comp ter. Quelques unes sont ornées des couleurs pontificales, mais elles sont remplies de gens de la plus basse condition et de soldats de l'ar mée du Pape....