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Journal des débats politiques et littéraires, 26 janvier 1924

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Journal des débats politiques et littéraires
26 janvier 1924


Extrait du journal

| Cette question de la viande chère a fait déjà l'objet de deux articles,1 auxquels le Journal des Débats a bierr voulu faire une place dans ses numéros du 21 novembre et du 25 décembre. Malgré l'importance du su jet, il serait excessif de lui en consacrer un troisième, s'il n'y avait, semble-t-il, intérêt à répondre à de nouvelles observations faites par le parlementaire, dont les critiques sur le premier article avaient déjà motivé le second. Ces nouvelles observations, émanant d'une personnalité particulièrement ' qualifiée pour représenter l'opinion du monde agricole, ont, en effet, cette fois, un caractère plus général et peuvent être appliquées à l'ensemble du problème de la production agricole. La première de ces observations est tirée des difficultés de la vie agricole, lesquelles pousseraient les producteurs, las de produire et de se sacrifier, à quitter les campagnes pour courir vers le commerce, l'industrie et les emplois publics. Il semble vraiment excessif d'imputer la désertion des campagnes à une insuffisance de profits auxquels l'ouvrier agricole, le prin cipal de ces déserteurs, ne prend générale ment aucune part. Mais.il y a d'autres causes de cette déser tion, au premier rang desquelles il faut pla cer, sans aucun doute, la loi de succession, avec le partage obligé des biens entre les enfants ; d'où un morcellement de la pro priété en parcelles de plus en plus exiguës, de moins en.moins capables d'une culture ra tionnelle, de moins en moins propres à faire vivre leur propriétaire qui, déclassé, doit chercher ailleurs ses moyens d'existence. Sans doute, dès la fin des hostilités, le commerce, l'industrie ont dû sans délai faire un effort considérable pour combler les vides occasionnés par la guerre dans leurs per sonnels, et cet effort de recrutement ne pou vait, en réalité, porter que sur la population agricole elle-même, également décimée. Ce recrutement parmi les agriculteurs a, d'ailleurs, été facilité par la loi des huit heures, venue, au moins inopportunément, ap porter l'appât d'un travail réduit à l'homme des champs astreint par la nature à régler sa vie d'après les saisons et d'après les va riations journalières des conditions atmo sphériques. Dans un village du Centre, on voyait der nièrement les travaux des champs assurés exclusivement par des hommes grisonnants; l'un d'eux, questionné, montra pour réponse un groupe de jeunes gens qui, d'une usine du voisinage, rentraient à bicyclette au vil lage ; il était cinq heures ; leur journée était finie, la sienne continuait, après avoir, sans doute, commencé plus tôt. Mais ce grand effort de recrutement fait d'urgence par le commerce, par l'industrie, par les services publics, pour combler les vides faits par la guerre, pour les besoins résultant de la loi de huit heures, ce grand effort a depuis longtemps produit ses effets; ce n'est plus à lui qu'il faut imputer aujour d'hui les progrès désastreux de l'abandon des campagnes. La loi successorale, avec l'accé lération rapidement progressive de ses effets, devrait suffire à elle seule pour en donner l'explication. Il est objecté ensuite qu'il n'est pas de pays au monde où les producteurs de viandes soient moins favorisés qu'en France, où les viandes et animaux de l'étranger sont impor tés en franchise, alors que les exportations françaises sont elles-mêmes interdites. Mais on a perdu de vue les mesures dites sanitaires, imaginées et appliquées en France avec la plus fertile invention pour suppléer au défaut de la protection douanière. On peut se rendre compte du succès de ces mesures en se reportant aux comparai sons faites dans Jes articles précédents entre les importations de viandes en France et en Angleterre. : , Est-il certain, d'ailleurs, qu'une plus grande liberté donnée à l'importation des viandes étrangères aurait les funestes effets qu'on re doute sur la vente des produits frais indi gènes, dont la valeur restera toujours bien supérieure ? A titre de renseignements à cet égard, on compare, dans le tableau suivant, les prix des viandes indigènes en France et en An gleterre, d'après les mercuriales du 9 novem bre dernier, pour le marché de Smithfield à Londres, et pour les Halles centrales de Pa ris (le cours de la livre a été, ce jour-là, dé 78 fr. 27) : i SmtMeia am Haîies can tLocîresi traies (Fans) Bœuf 1" S 66 à 937 7 75 à 8 50 2' î-.ra, 568 à 6 20 575 à 6 45 Moutons (moyenne), 9 01 à 9 92 7 10 à 9 20 Porcs I"qualité 7583866 8 >2840 2* <0 . 6S=à 7 58 750 à 7 90 Malgré la très lourde concurrence sur le marché anglais des importations de viandes à prix plus réduits, congelées ou réfrigérées, on voit que, dans l'ensemble, le producteur anglais et le producteur français réaliseraient des prix de vente comparables. L'argument de la répercussion de ces im portations sur le change a déjà été produit. Sans parler de l'intérêt cependant respec table du consommateur, on doit se demander à nouveau si le franc ne serait pas impres sionné plus défavorablement encore par les crises économiques ou sociales qu'engendre rait la continuation ou l'aggravation de la vie chère....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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