Extrait du journal

devilliste; on se dirait, le voyant passer : c'est un bon garçon très fleuri, mais un peu iliais; il n'a pas d'invention, mais il comprend ce qu'on lui demande; il n'est pas capable de mettre une scène sur ces pieds, mais il tourne agréablement une romance. Poverol Et puis il faut bien que tout le monde vive. Et voilà tout ce qu'il aurait de nos grands auteurs ce beau, ce chaste , ce charmant, ce facile et gracieux génie qui a créé toute une langue, en parlant d'amour. Là chanson ! nous l'avons tuée, nous l'avons rem placée par une horrible bâtarde de pensionnat, par la romance ! On ne chante plus, on roucoule ! Prenez garde, n'allez pas fredonner quelque gai refrain un peu fringant, un peu égrillard; et l'oreille rougie du petit vin qui coule à Mâcon! la maîtresse du logis vous ferait de gros yeux ! Ne voyez-vous pas, en effet, cette grande fille, sèche et plate, qui tout à l'heure au dessert se propose de vous raconter les amours d'Héloïse et d'Abélard ! Donc retenez votre langue, si vous ne voulez pas qu'on vous la fende comme on la fendit à Pierre Vidal de Toulouse, auteur d'un Traité sur l'art dt retenir sa langue. Mais quand, ce Pierre Vidal écrivit son Traité, il était trop tard; sa langue était fendue bel et bien, et il ne pouvait plus chanter! La chanson, vieille comme le pionde, peut se vanter d'ayoir attaché à son char des héros et de grands capitaines : Thibaut, comte de Champagne, Charles d'Orléans, Henri IV, Olivier de La Marche, Fran çois I", toutes chansons un peu héroïques, un peu guindées, et qui se ressentent encore des romans de chevalerie. Un de Basse-Normandie, Olivier Basselin, fit desçendre la chanson de son pale froi, et il en fit tout bonnement une grisette de vil lage. Vinrent ensuite les poètes, les vrais poètes de la vraie langue française, vraiment amoureux, vraiment goguenards : Clément Marot et Saint-GelaiS, la grande flotte des poètes, disait Etienne Pasquier; cette belle flotte chantante s'empara de ce petit poème populaire qui.prend tous les tons, toutesl.es allures, qui s'accom mode de toutes les passions, de tous les talents, de tous les genres de style et d'esprit, T- Tous nos vieux Français, enfans de la joie, amoureux du cabaret et de ses licences, amoureux à leurs heures, gourmands et friands de toutes les bombances faciles , ont écrit...