Extrait du journal

outrages. Nous ne le pressentons que trop, c'est elle qui portera le poids et la peine de toutes ces horreurs, c'est elle qu'on rendra responsable des crimes commis en son nom. Nous prévoyons déjà les efforts laborieux que nous aurons à faire pour la rendre à la vie et pour aller chercher ses restes au milieu des décombres. Tout est à recommencer. C'est cette reconstruction morale qui sera la plus difficile. Nos âmes sont en core plus brûlées que nos maisons. Le bû cher satanique dont les. flammes et l'éclat se répercutaient sur la France et sur le monde, c'était le produit accumulé de plu sieurs générations. Les vingt années de silence qui ont pesé sur la pensée humaine et ont mis les scellés sur toutes les bou ches libres, pendant lesquelles la parole n'a été laissée qu'à la dissolution, ces vingt années maudites n'ont fait que renfermer la corruption dans notre sépul cre blanchi et l'y laisser fermenter et en gendrer la pourriture. Le jour de l'explo sion est venu, dies ire. Puisse, du moins, la flamme allumée par l'ange extermina teur avoir purifié à là fois l'air et les cœurs. Ne perdons point courage, et surtout ne perdons point le jugement. Dans les heures présentes, nous devons faire comme tous ces soldats de la paix qui sont accourus de nos provinces pour éteindre le feu. Nos efforts doivent tendre à calmer les élémens de discordes civiles, et notre premier de voir est de nous unir pour faire la chaîne. Le reste viendra à son heure. Peut-être vaut-il mieux que la reconstruction soit anonyme, impersonnelle, comme l'a été la destruction. Il ne faut avoir en ce moment d'autre drapeau que celui de la paix. Arborons-le sur les ruines fumantes de ce grand Paris qui est resté et qui restera la tête de la France. Insensés ceux qui voudraient la découronner. Ah! Paris! ville marquée au sceau de la grandeur et de la douleur, que notre droite se sèche avant de se lever contre toi ! Tu as échangé la couronne de la dissolution et de la dé pravation contre celle du martyre, et tu as lavé dans ton sang généreux les souillures de ton infâme prospérité. Tes pierres cal einées ont plus d'éloquence que n'en a ce morne palais dans lequel l'ombre du grand roi semble promener son ennui solitaire. L'immensité de tes malheurs et jusqu'à la grandeur même de tes crimes sont les té moins de la place que tu tiens dans le monde, et contre laquelle de puériles faiblesses et de honteuses pusillanimités ne prévaudront pas. JOHN LEMOINNE....