Extrait du journal

Bourges, 7 octobre 1887. Le jour commence à se faire sur l’entrevue de Friedrichsruhe et sur son but véritable. Qu’il ait été question de la question romaine, et même de Vimbroglio bulgare entre le prince de Bismarck et M. Crispi, ainsi que nous le disions déjà hier, cela n’est pas seulement probable, mais certain. Seulement, ce qui l’est encore bien davantage, c’est que cette entrevue visait surtout la France. Le chancelier de fer croit à une guerre prochaine avec nous, il la désire, il s’y prépare et la provoque tous les jours, en affectant d’être animé de l’unique désir de vouloir maintenir la paix en Europe, et, pour cela, il cherche à mettre le plus d’tatous qu’il peut dans son jeu. Parmi les meilleures cartes, il faut bien citer, hélas ! l’état de désarroi dans lequel nous ont jetés nos gouvernements, dont l’esprit politique est si peu développé ; mais il lui faut encore autre chose, et comme l’empereur de Russie lui tourne aujourd'hui le dos, il cherche à le remplacer dans sa nouvelle Sainte-Alliance par l’Italie. Il trompe évidemment celle-ci, comme il est habitué à tromper tout le monde, et il fait miroiter aux yeux du roi Humbert, qui, lui, n’oublie pas ce que sa maison et son pays doivent à Napoléon 111, la marche inévitable de la Russie sur Constantinople. Or, le jour où les clefs des Dardanelles seraient aux mains du Tzar, il est bien évident que la Méditerranée deviendrait un lac russe ! Telle est, du moins, la perspective que le prince de Bismarck n’aura pas manqué de faire entrevoir à M.Crispi, et que celui-ci aura rapportée de son voyage en Allemagne....