Extrait du journal

progéniture, fit suspendre l’ordre de marche. Un message fut immédiatement dépêché vers un Patagon habile dans l’art de guérir. Le médecin ne se fit pas attendre ; il arriva muni de deux petits pa quets d’un pied de long et de trois à quatre pou ces de diamètre, tous les deux enveloppés dans des morceaux de peaux. Après s’être un instant pro mené en long et en large, d’un air grave et solen nel, il mit ses paquets à terre et s’assit à côté de la mère, qui tenait dans ses bras le petit patient. Quel que fût son mal, les poumons à coup sûr devaient être intacts, car il mugissait comme un jeune buffle. Quelques minutes se passèrent sans l’échange d’une seule parole ; mais le docteur ne cessait de regarder l’enfant dans les yeux, comme s’il voulait le magné tiser. Il se fit un calme soudain ; soit que le petit drôle éprouvât du soulagement, soit qu’il fût las de crier, hypothèse plus vraisemblable. Le docteur or donna alors une application d’argile, qu’on alla chercher, et que la mère se chargea de pétrir dans ses deux mains* en l’humectant de salive. Quand cet onguent eut le degré de consistance et de flui dité voulu, elle en couvrit son fils de la tête aux pieds, ce qui donna un air assez original au marmot. Cette onction, apparemment, n’était pas de son goût, car il se prit à hurler de plus belle et jusqu’à perte d’haleine. Cependant le médecin avait ouvert ses deux paquets, que je croyais contenir une petite pharmacie ; mais, au lieu d’herbes médicinales , il n’en tira qu’un rouleau de nerfs d’autruche et une crécelle de huit à dix pouces de long. Il se mit à manier les nerfs de l’oiseau entre ses doigts et à marmotter entre ses dents. Cela dura quatre à cinq minutes, à l’expiration desquelles il saisit la cré celle et la fit violemment tourner pendant une ou deux autres minutes. Alors il reprit sa place près du patient, et après l’avoir de nouveau regardé dans le blanc des yeux, il se tourna d’un air impor tant vers le chef qui était accroupi sur sa cou che les jambes croisées, le corps penché en avant, les bras également croisés sur la poitrine, et quF observait d’un œil soucieux les progrès du traite ment. Enfin l’homme de la science rompit le silence le premier. « Je crois l’enfant mieux, » dit-il, < qu’en pensez-vous? » Le chef fit un signe et un grogne ment d’assentiment. Le même appel adressé à la...