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L’Avenir républicain, 2 avril 1848

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L’Avenir républicain
2 avril 1848


Extrait du journal

diminue à peine sa détresse. Cela le laisse en proie à mille privations et à mille anxiétés. Disons plus. Cela l’humilie. Cela le décourage. Cela l’irrite. L'ouvrier se demande pourquoi il est obligé détendre à une parcimonieuse offrande sa main laborieuse, Pourquoi il est forcé de recevoir, à titre gratuit, le pain qu’il voudrait ne devoir qu’à ses sueurs. L’argent qu’il reçoit ainsi ne fructifie pas dans sa maison. Il ne l'ait point mouvoir le métier e'. nY-gaie pas l’établi. Il n’acquiert pas, eu se transformant en main d’œuvre, une valeur nouvelle. En un mot, quelque sainte que soit l’aumône, elle ne peut guérir tous les maux qu’elle soulage. La charité du riche ne se mesure pas toujours à la misère du pauvre. Le riche est libre d’ouvrir ou de fermer sa main. Il est doue nécessaire de pourvoir par des moyens, non pas plus doux, mais plus sûrs, à la misère publique. Il n’est d’ailleurs, ni convenable, ni prudent, ni moral qu’un homme valide reçoive un salaire qu’il n’a point gagné et ne rende rien à la société en échange des services qu’elle lui procure. Sans proscrire, et tant s'en faut, les associations de bien faisance gratuite, nous croyons, d’après les motifs que nous avons déduits, qu’il est urgent, qu’il est juste de tavuriscr autant que possible les associations d’ouvriers. Tous les hommes vivant à la journée du travail de leurs mains, et appartenant à la même profession, ont évidemment un intérêt commun, qui est de louer leurs bras à l’enchère, plutôt que de les louer au rabais. C’est parce qu'ils les louent au rabais que la misère aug mente chaque jour ; le découragement suit la misère ; la va leur vénale et la qualité des produits diminuent à mesure que leur quantité s’accroît. L’émulation qu’on croit exciter par cette sauvage concurrence s’éteint et fait place à l’abatte ment. Associez les ouvriers ; qu’ils forment un bureau ; qu’ils aient des sy ndics ; que ces syndics, choisis parmi les mem bres de l’association les plus éclairés et les plus honnêtes, sc mettent en rapport avec un syndicat formé par les patrons et qu’ils aient le droit de débattre avec lui et de fixer, d’un commun accord, pour un temps limité, un minimum de sa laire. Pour évaluer avec justice ce minimum de salaire, il fau drait le calculer sur les bases suivantes : Il faudrait, premièrement, tenir compte des besoins légi times du travailleur, de ces besoins dont la satisfaction est indispensable à la santé el à la vie. Secondement, il faudrait consulter le prix courant des denrées de première nécessité, dans la localité où l’associa tion fonctionnerait. Enfin, en troisième lieu, le syndicat des patrons devrait justifier, par les mercuriales ou par toute autre preuve, du prix moyen des matières premières, des frais généraux de labrication et du cours actuel de la vente. Les ouvriers n’ayant aucun intérêt à gêner la fabrication, à réduire injustement le gain légitime du patron, à mécon naître les chances de ruine qui le menacent et, par consé quent, à faire fermer les ateliers, on aurait, nous en sommes mus, peu de peine à fixera l’amiable le minimum du prix de main d’œuvre, c’est-à-dire à concilier l’intérêt de l’ouvrier qui doit vivre eu travaillant, avec celui du fabricant qui ne doit pas sc ruiner en faisant travailler. En cas de partage, il serait aisé de faire intervenir l’au torité municipale ou d’instituer, à ecl effet, un tribunal d’arbitres. Nous n'ignorons pas les objections que l'on peut faire à ce projet. Les unes porteraient sur des détails d'application, et il serait aisé de les résoudre. Les autres porteraient sur le fonds même de la théorie ; ce sont, à noire avis, les moins fondées, mais non pas, cependant, les plus faciles à dé truire. Le système que nous proposons contrarie de vieilles habitudes ; l'anarchie industrielle est un fléau dont tout le monde souffre ; mais on y est accoutumé, et l’on y tient , crainte de pis....

À propos

Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.

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