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L’Écho de Paris, 10 janvier 1938

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L’Écho de Paris
10 janvier 1938


Extrait du journal

Je ne sais à peu près rien de plus triste que le slogan de ce malheureux dont on vous a rapporté l'aventure i«i même, et qui s'est, l'autre jour, • pendu ■dans un bois, non loin de sa maison, après avoir glissé dans sa poche un billet où l'on Put lire oes quelques mots écrits de sa main : « J'ai quarante ans, c'est suffisant. » Pensait-il qu'en quarante années il n'avait eu l'occasion ni le loisir de connaître ce monde et par conséquent de le juger ? Tous ceux qui ont dépassé ce huitième lustre ne manqueront point de s'étonner : « A quarante ans, dirontils, comme nous savions peu de choses ! » Car il est bien vrai que ce doit être le moment où l'esprit plus calme, et' c'est-à-dire plus vigoureux, peut com mencer de considérer l'univers, sans que les passions lui cachent, en quelque ma nière, les abîmes profonds de la desti née comme ses joies les plus sûres et les plus durables. On se plairait à sou tenir que jusqu'à ces saisons, où l'ons'avoue enfin qu'on a les tempes grises, on a rêvé que l'on vivait, alors, si on je peut dire, que l'on était plutôt vécu, tant il est de forces dans l'homme que la raison ne connaît point, ou qu'elle a tant de peine à contraindre, quand du moins elles ne se montrent pas si puis santes qu'elles emportent l'esprit luimême, qui se persuade qu'il est le plus libre du monde et qu'il conduit et pousse cet attelage, dont les terribles chevaux | ne le connaissent plus. A quarante ans, sans doute, on n'est plus un jeune homme ; on est un homme jeune, encore que l'on commence à dé mêler mille objets de mélancolie aux tonnelles du mois de mai. Qu'on prétende que quarante. ans i Ne sont, deux fois, que vingt printemps, I Tu tressailles, Muse, et f étonnes j Qu'on oublie, en notre univers, ; Les étés comme les automnes, Et les hivers, Que j'enferme au plus court des vers, Car ils tiennent bien trop de place, Avec leur vent triste et leur glace Et leurs jours qui nous sont si lovçt. Dans Paris, où nous nous gelons. Quand nous raclons nos violons... Quarante années ! O destinées !... Estce quelque raison de pousser des cla meurs ou d'écrire surtout : J'ai quarante ans : je meurs, comme on proclamerait que deux et dettx font quatre, et qu'avec les destins on n'a plus à se battre ! Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et [ses mœurs-, disait l'autre,, et Piron,. dans sa Métromanie, s'il nous montre un vieillaird, on le voit plein de feu et qui ne voudrais guère abandonner le jeu : Je veux, dit-il, chez moi que tout chant» [et tout rie. L'âge avance et le ooût avec l'âge varie*. Comme ce vieux monsieur eût été heu reux de se retrouver soudain à quarante ans, mais avait-il l'air de se plaindre ? Quarante ans!... Quelle belle fuite De semaines pleines d'instants l Chaque seconde est une truite, Et tu la croyais déjà cuite... Que n'ai-je encore quarante ans! TRISTAN DERÈME....

À propos

Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.

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