Extrait du journal

Désormais, nous avons vu, nous savons comment une civilisation peut mourir, et qu’elle est aussi f*agile que nos vies. I) une angoisse réelle, dune sensation physique, nous avons perçu que soudain il plu\ ait disparaître, ce monde pour quoi nous étions nés. Une sorte de vertige nous a pris devant cette grande nuit où notre pensée, notre science, nos lois, toutes nos façons de sentir et d’expliquer l’univers allaient sombrer avec nous-mêmes... Effroi plus redoutable que celui de la mort., dur c’était bien tout cela que nous avions emmené avec nous et qui se mêlait à nos rangs, que nous poussions avec nos poitrines, ces invisibles légions de Mémoire que l’enrichi ne pouvait dénombrer, mais dont il sentait l’invisible présence en se heurtant contre nous. I ne certaine conception du monde, voila ce que nous étions, ce qu'il voulait abattre et qui 1 a vaincu en s’imposant. Et en s’imposant non seulement a lui-même, mais à ceuxlà qui durent l’accepter pour vaincre avec nous, comme nous. Car nous seuls possédions ce qui ne s’improvise pas, l’esprit, l'ordre, le style qu’il a bien fallu aller chercher où il était, dans notre race et non ailleurs. Et c'est cela que l’Allemand ne nous pardonne pas, qu’il ne peut -pas nous pardonner, et pourquoi nous demeurons l’ennemi éternel. D’autres avaient accumulé la matière et le nombre, prodigué la quantité e? l’argent : ce sont puissances que l’on peut surmonter. Mais c’est l’esprit qui a vaincu, l’esprit irréductible qu’il voulait atteindre, cette force libre, cette puissance qu’on n’asservit qu’en l’exterminant. car il suffit d'un homme pour qu’elle vive encore. Et plus que notre victoire matérielle, notre victoire morale est importante aux veux du monde, car c’est notre être même qui en sort justifie....