Extrait du journal

Nous approchons de 1932, nous nous éloignons davantage de 1930, et déjà toute la période de dix années qui s'est écoulée après la guerre prend un air de légende, une physionomie presque fantastique. A peine en sommesnous sortis depuis un an ou un an et demi, que nous nous mettons à le regretter, cet aprèsguerre dont nous disions tant de mal quand nous le vivions. Au fait, que lui reprochions-nous ? Tout peut-être, sauf d'être ennuyeux. De 1920 à. 1930, nous nous sommes beaucoup amusés. Je ne dis pas que nous nous sommes toujours amusés avec beaucoup d'esprit, oh, non! Le jazz, le dancing, le cocktail, ce n'était pas d'un atticisme extraordinaire, le cinéma non plus, ni le snobisme gastronomique, ni la fureur de spéculation et de jeu qui nous a conduits aux catastrophes actuelles, ni cette publicité à grand orchestre qui, du jour au lendemain, faisait d'un débutant timide un romancier à gros tirage, ni cet engouement pour la peinture montparnassienne grâce auquel certains artistes modernes s'assuraient chez leur marchand des traités de deux millions par an, ni la rage bibliophilique qui permettait au premier savetier venu de s'établir éditeur de luxe et de vendre trois cents ou cinq cents francs des plaquettes qui lui tn coûtaient quinze. - Oui, tout cela était assez grossier, et c'était plus fou, plus absurde encore. Cela - n'avait pas le sens commun. - {:...