Extrait du journal

. Une jeune femme qui ne se trouvait pas belle comme le jour s'est offerte aux soins de la chirurgie esthétique. Les spécialistes ont mis six ans à lui donner un visage insignifiant. En employant ce qualificatif, je dis exactement ce qu'il faut dire. Cette face modifiée,' remodelée, restaurée,*reste sans expression. Elle .est nette, rectiligne, le nez est à .la place. les joues sont normales, la courbe de la bouche est telle qu'elle doit être, mais la figure n.à plus aucune expression. On a pris des morceaux de' chair sur le - corps pour boucher des trous, on a supprimé des bosses, W-a strie des muscles. on a tendu sur cette étrange réfection 'de la' peau prise sur les cuisses,' et on a laissé mijoter le tout sous des linges et, le jour de l'inauguration, quand on a déchiré la toile, est apparue une tête de statue, rigide, - figée, incapable de rire, incapable de pleurer, privée de toute valeur, immuable, puisque le réseau des nerfs ne l'anime plus. Une tête parfaite, peut-être, mais qui manque dé vie, qui n'a plus cet « on ne sait quoi » qui arrive à donner .du charme ou du moins de la sensibilité à l'être le plus laid, puisqu'on peut deviner son âme à une lueur des yeux, à un pli du visage, à la manifestation d'une douleur ou d'une, joie....