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L’Univers, 27 août 1892

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L’Univers
27 août 1892


Extrait du journal

Il paraît que nous avons laissé échapper un aveu précieux en disant que nous ne serons jamais du parti de la Révolution. La Marseillaise l'a re cueilli, et M. Pichon, député, le com mente d'un style échauffé, où les mé taphores disparates se pressent et se bousculent. Notre adversaire recon naît que nous sommes dans la logique et croit pouvoir constater de nouveau l'incompatibilité absolue qui, d'après lui, existe entre les droits de l'homme et les droits de l'Eglise. Sa conclusion est dirigée contre les républicains modérés qui rêvent de trouver un ap point du côté de l'Eglise. Il les accuse d'inconséquence et les compare à M. Thiers, qui, tout en affirmant qu'il était « avec la Révolution », ordonnait les mitraillades de la semaine de mai. Les inconséquences sont en effet prodigieusement nombreuses dans la politique moderne. Ne serait-ce point par ce motif : que le domaine des idées est en plein chaos ? M. Pichon fournit de nouvelles preuves de cet incroyable désordre. En une colonne il trouve moyen de confondre l'éco nomie politique, le culte, l'histoire, le surnaturel, la logique rationnelle. Il serait capable de jeter encore dans cette bouillabaisse beaucoup d'autres éléments variés. Tel est l'usage, qui. atteste le progrès. Ne pourrait-on néanmoins obtenir d'un député qui, d'ailleurs, n'est pas le premier venu, ne pourrait-en obte nir une explication un peu précise sur le sujet le plus important ? Nous l'a vons essayé sans jamais y parvenir. Nous en sommes encore à découvrir le révolutionnaire, capable de dire quelle est la base du droit. Si nous pouvions décider M. Pichon à prendre cette place vacante, nous en serions heureux. Il avouera que nous ne lui proposons pas un rôle banal. Nous ne voulons pas de la Déclara tion des droits de l'homme et nous nous en moquons, non seulement parce qu'elle est erronée sur beaucoup de points, mais parce que, dans l'en semble, elle est inintelligible. Ellq n'est qu'un trompe-l'œil, où les mots « droit, liberté, loi, » se suivent au ha sard, chacun destiné à ex p j iquer l'autre, qui est censé avoir rendu au voisin le même service. Nos lecteurs nous par donneront de répéter brièvement ee que nous disions ces jours derniers. Si M. Pichon prenait la peine d'ana lyser la glorieuse charte, il s'aperce vrait que toutes ces définitions abou tissent à une définition supposée, qui demeure introuvable. Les au teurs de la Déclaration ont cru se tirer d'affaire en disant que la liberté (et par conséquent le droit) consiste à faire ce qui ne nuit pas à autrui; or, ce qui nuit à autrui, c'est la violation du droit, lequel est le fondement de la loi, laquelle protège l'ordre public, lequel repose sur l'exercice des droits, etc. On n'arrive pas à une autre conclusion que celle-ci : Qu'est-ce que j'ai le droit de faire? Ce que les autres ont le droit de faire. Qu'est-ce donc que les autres ont le droit de faire? Ce que j'ai.le droit de faire.. Voilà. Pour aboutir, il faut examiner l'ori gine du droit. Cette opération indis pensable ,est négligée, parce qu'elle conduit à reconnaître une autorité surhumaine. Au fond, tous ces débats se rattachent à une seule question : l'existence de Dieu, Selon qu'on se représente la société gouvernée par les passions humaines ou par la loi divine, on est pour ou contre l'esprit révolutionnaire. Nous ne parlons pas de culte ni de dogme ; nous invoquons ici la simple raison naturelle. Elle raisonne, n'est-ce pas ? Elle ne se con tente pas de proférer des mots sans rapport les uns avec les autres ou sans lien? Alors, qu'elle s'explique; qu'elle dise ce qu'elle entend lors qu'elle affirme le droit. M. Pichon ne manquera pas de ré pondre que l'existence de Dieu est un problème suranné,sinon résolu négativement.Soit. Nous signalons au député de la Seine une conséquence curieuse de cette théorie, conséquence mise en lumière par un personnage. L'année dernière, à la rentrée du Parlement, le président de la Chambre se permet tait, dans le discours d'usage, une al lusion dédaigneuse aux esprits arrié rés qui font dériver de la « théocratie » le droit, la justice, la liberté. Les amis...

À propos

Fondé en 1833 puis suspsendu en 1860, L'Univers réapparaît sous le Second Empire, toujours sous la direction du même homme, Louis Veuillot. Au début de la Troisième République, il est le journal catholique le plus lu en France. Ultramontain et farouchement conservateur, le titre affiche le plus grand mépris pour les républicains, de même que pour les catholiques libéraux. Il cessera de paraître au commencement de la Première Guerre mondiale, avant de tenter une relance en 1917 qui s'achèvera sur un échec : le journal disparaîtra définitivement en 1919.

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